À l’heure de la fascisation, soutenez La Quadrature du Net

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La Quadrature lance sa campagne de dons 2026 afin de rassembler les 250 000 € nécessaires pour continuer le travail. Comme chaque année, on va profiter de cette campagne pour débattre sur un thème en lien avec nos luttes. Cette année, c’est le mot « fascisation » qui s’est imposé à nous.

Pour les libertés publiques et les droits fondamentaux, les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent. Le fascisme qu’on redoute depuis si longtemps est-il devenu le nom de notre présent ? Comment agir et lutter dans ce contexte ?

Sur l’horloge des libertés, où en est-on ?

À l’heure où des millionnaires d’extrême droite achètent des médias pour répandre leurs fantasmes réactionnaires et racistes et porter leur candidat au pouvoir.
À l’heure où les grandes entreprises de la Tech étasunienne sont dirigées par des idéologues libertariens aux idées ouvertement oligarchiques et eugénistes, en lien avec le pouvoir trumpiste.
À l’heure où le gouvernement français donne un pouvoir abusif aux forces de police et à l’administration sous couvert d’état d’urgence permanent.
À l’heure où la seule réponse donnée aux crises sociales et aux discriminations systémiques est la violence haineuse d’une police sur-armée, quelles que soient les revendications : Gilets jaunes, méga-bassines, réforme des retraites, révoltes après l’assassinat de Nahel Merzouk, indépendance en Kanaky, soutiens à la Palestine, etc.
À l’heure où l’évènement hors-norme qu’ont été les Jeux Olympiques de Paris 2024 sert à normaliser une surveillance algorithmique permanente des comportements dans le quotidien de nos villes.
À l’heure où « l’intelligence artificielle » est utilisée pour surveiller et sanctionner les bénéficiaires des services sociaux.

À La Quadrature du Net, nous parlons « d’autoritarisme » depuis longtemps. Mais ce qu’on a longtemps pris pour une série d’escarmouches ressemble aujourd’hui de plus en plus à une attaque cohérente et concertée et à un programme politique élaboré. Aux États-Unis où c’est plus flagrant, les analystes parlent même, vu le rôle que jouent les pouvoirs du numérique, de « technofascisme ». Et en France ? En Europe ?

Nous avons décidé de profiter de cette campagne de dons pour nous interroger collectivement, et à haute voix, sur le nom à donner à la période que nous vivons. Sur son sens, sur la place des libertés, sur le rôle du numérique et sur les actions que nous pouvons mener pour éviter le pire.

Le fascisme qui n’arrête pas de venir

Aujourd’hui, plus personne ne hausse les épaules avec mépris quand on parle d’un retour des fascismes. On trouve encore des experts raisonnables de plateau télé pour dire qu’on exagère. Mais c’est presque une preuve par l’absurde : les idées proprement fascistes sont devenues si banales qu’on s’offusque quand elles sont désignées avec leur vrai nom.

Et pourtant, aujourd’hui encore l’extrême droite tue, et la fachosphère en ligne regorge d’appels à la ratonnade, à la déportation, au meurtre.
Et une partie croissante de la classe dirigeante endosse le discours idéologique du Rassemblefront national pour encourager son avènement ou sous prétexte de lui faire un « barrage » en sable.

Et ce qui arrive, c’est exactement ce qu’on redoutait.
L’affaiblissement des contre-pouvoirs institutionnels et sociaux, le saccage de l’État social, le réarmement militaire, le mépris pour l’expression populaire, les discours islamophobes, xénophobes et racistes, l’exaltation de la fierté nationale, les avantages donnés à des élites économiques sur-privilégiées et sûres d’elle, la stigmatisation et le traitement brutal de la population pauvre et des personnes racisées, l’homophobie, la transphobie, le discours sécuritaire alarmiste, le durcissement de la répression policière de toute contestation politique, la surveillance massive et permanente de la population, la disqualification des oppositions politiques.

Rien de tout cela n’est fasciste en soi, rien ne suffit à soi seul pour acter nettement le fascisme, mais tout y participe. Le réel de nos démocraties coche déjà plusieurs points de la célèbre liste des symptômes du « Ur-Fascisme » dressée par Umberto Eco en 1995. Tout le paradoxe est ici : on croit qu’on n’y est pas encore tout à fait mais en fait on y est déjà, parce qu’on est entré depuis plusieurs décennies dans une mécanique qui va vers le fascisme : un horizon qui fascine ou qui terrifie, qui commence nulle part et qu’on n’atteint jamais, et c’est pourquoi nous avons choisi de parler plutôt, pendant cette campagne de dons, de « processus de fascisation ».

Une campagne pour parler ensemble

Pendant toute cette campagne de dons, jusqu’à fin décembre, nous allons donc nous interroger sur les liens entre technologies numériques et fascisation du monde. Ce tour d’horizon passera par des articles mais aussi par des émissions en live. Ce format, nouveau pour nous, réunira des invité·es pour décortiquer et analyser ensemble la situation, les processus politiques et sociaux, les forces en présence et les idées à défendre aujourd’hui et demain. Nous inviterons des journalistes, des chercheur·euses, des militant·es d’autres associations de défense des droits. Nous viendrons avec notre connaissance des enjeux numériques et juridiques français et européens, et tous·tes ensemble nous discuterons de ce à quoi nous devons faire face.

Le premier live traitera d’abord de la question des termes, du « fascisme » et du « technofascisme », pour se mettre d’accord sur les mots avant de parler du fond.

Le second abordera les liens entre le militantisme et le journalisme, pour confronter les problèmes que rencontrent les un·es et les autres, démonter le mythe de la neutralité de la presse et voir comment la proximité avec les luttes locales aide les journalistes à informer sur la réalité des vies.

Dans le troisième, on questionnera l’apparente « neutralité de la technique » en analysant comment la forme qui est donnée aux objets techniques les met bien souvent au service de la fascisation, et on explorera d’autres façons de la concevoir menant vers un chemin émancipateur.

Puis on explorera la question de la surveillance des frontières, et du système général de contrôle des personnes exilées et étrangères. Le numérique joue dans ces questions un rôle sinistre, en réalisant le fantasme totalitaire de l’identification et de la surveillance permanente.

Enfin, on se penchera sur les méthodes administratives qui permettent la répression et le harcèlement des personnes musulmanes, assignées à résidence ou perquisitionnées sur la base de notes blanches ou de rapprochements hasardeux qui cherchent à criminaliser certaines croyances religieuses et l’appartenance à des minorités.

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Nous vous souhaitons quant à nous de garder l’espoir, de savoir trouver les lucioles dans cette période sombre, de lutter ensemble pour nos libertés fragiles et de mener autant que possible dès aujourd’hui, comme disait Michel Foucault, « une vie non-fasciste ».

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