Notification & action : La Commission européenne doit faire primer la liberté d’expression

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Paris, 11 janvier 2012 – Suite à la consultation organisée fin 2010, la Commission européenne vient d’annoncer un plan d’action sur le rôle des acteurs de l’Internet dans la régulation des contenus en ligne1Voir l’action 12 dans la communication de la Commission sur le marché unique numérique : http://ec.europa.eu/internal_market/e-commerce/communication_2012_fr.htm. La problématique centrale est celle des mesures de « notification et retrait » des contenus en ligne, qui sont aujourd’hui mises en œuvre en totale opacité au détriment de la liberté de communication. Alors que la guerre globale contre le partage de la culture sévit, cette annonce souligne le besoin d’une participation citoyenne dans ce débat crucial pour l’avenir des libertés en ligne.

La directive sur les services en ligne publiée en 2000 (également appelée directive e-Commerce) crée un cadre légal pour la plupart des activités en ligne2Voir notre dossier sur la directive services en ligne : http://www.laquadrature.net/fr/online_services_directive. Grâce aux exemptions de responsabilité dont disposent les acteurs Internet (fournisseurs d’accès ou fournisseurs de services en ligne tels que les plate-formes d’hébergement) la directive a mis en place un cadre juridique à part, différent de celui régulant les médias et moyens de communication interpersonnels, protégeant de ce fait la liberté de communication et encourageant l’innovation et la croissance de l’économie numérique.

Mais ces dix dernières années, les lobbies, en particulier ceux des industries du divertissement, ont fait pression sur le législateur et ont mené nombre d’actions en justice pour forcer les acteurs de l’Internet à faire la police sur leurs réseaux. Les responsables politiques, et notamment la Commission européenne, sont sensibles à leurs demandes et encouragent une plus grande « coopération » entre les acteurs d’Internet, les pouvoirs publics et les autres parties prenantes afin de censurer de manière extra-judiciaire les contenus en ligne3Voir l’étude d’EDRi sur l’autorégulation et la censure en ligne: http://www.edri.org/edrigram/number9.2/self-regulation-study-edri. Du fait de ces initiatives, nombre de services en ligne recourent désormais à des mécanismes de censure et se livrent à des retraits abusifs de contenus4Cet été, en Allemagne, la censure illégale par YouTube du film maintes fois récompensés de Nina Paley, « Sita Sings the Blues », a montré une nouvelle fois que l’application par des acteurs privés d’un régime de droit d’auteur obsolète nuit à la culture et à la liberté d’expression. Voir http://www.laquadrature.net/en/like-nina-fight-privatized-censorship-of-culture, violant ainsi la liberté d’expression des utilisateurs d’Internet.

« L’annonce de la Commission européenne montre l’urgence de faire la lumière sur les pratiques néfastes de nombreux acteurs de l’Internet, contraints de se muer en police de l’Internet. Les droits des citoyens sont bien souvent victimes de la censure privée, sans possibilité d’un procès équitable. Comme le Parlement européen l’a souligné à de nombreuses occasions, toute restriction aux droits fondamentaux en ligne ne doit être possible qu’après une décision judiciaire5http://www.laquadrature.net/en/an-evolution-of-amendment-138. Mais face aux nombreuses initiatives cherchant à accroître le rôle des acteurs Internet dans la régulation des contenus en ligne, à l’image de l’ACTA, il faut s’attendre à une violente offensive de la part des lobbies contre la liberté de communication en ligne. Les citoyens doivent suivre de près les discussions sur cette directive et se tenir prêts à défendre leurs droits. » déclare Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.

Les propositions de La Quadrature du Net sur les procédures de « notification et retrait »

Fin 2010, dans notre réponse au questionnaire de la Commission européenne sur la directive « services en ligne », nous insistions sur les points suivants :

  • En l’absence de décision judiciaire, les fournisseurs de service doivent être tenus de répondre à leurs clients dans un délai raisonnable.
  • Dans l’attente de la réponse, le contenu ne doit pas être retiré.
  • En cas de contre-notification de la part de l’utilisateur (s’il estime que le contenu litigieux est licite), le fournisseur doit notifier à la partie tierce qui a envoyé la demande de retrait que l’utilisateur s’y oppose, et propose que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal.
  • Le droit communautaire doit aussi prévoir des sanctions pour les demandes de retrait abusives, ainsi que pour les retraits injustifiés de la part de fournisseurs de services en ligne.
  • Enfin, les fournisseurs doivent offrir à leurs utilisateurs des informations aisément compréhensibles sur les procédures de gestion des notifications et de retrait qu’elles mettent en œuvre.

References

References
1 Voir l’action 12 dans la communication de la Commission sur le marché unique numérique : http://ec.europa.eu/internal_market/e-commerce/communication_2012_fr.htm
2 Voir notre dossier sur la directive services en ligne : http://www.laquadrature.net/fr/online_services_directive
3 Voir l’étude d’EDRi sur l’autorégulation et la censure en ligne: http://www.edri.org/edrigram/number9.2/self-regulation-study-edri
4 Cet été, en Allemagne, la censure illégale par YouTube du film maintes fois récompensés de Nina Paley, « Sita Sings the Blues », a montré une nouvelle fois que l’application par des acteurs privés d’un régime de droit d’auteur obsolète nuit à la culture et à la liberté d’expression. Voir http://www.laquadrature.net/en/like-nina-fight-privatized-censorship-of-culture
5 http://www.laquadrature.net/en/an-evolution-of-amendment-138