Pourquoi répondre à la consultation sur le commerce électronique ?

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Il ne reste que quelques jours pour répondre à la consultation. Si vous manquez de temps, répondez en priorité aux questions 56, 59, 60, 67, 69.
Envoyez vos réponses à l’adresse suivante: markt-e-commerce@ec.europa.eu

La Commission européenne a lancé une nouvelle consultation publique sur l’avenir de la directive sur le commerce électronique, qui constitue la base du cadre réglementaire afférant à Internet dans l’Union européenne. La réforme de la directive e-Commerce est très importante pour les droits et libertés sur Internet, et tous les citoyens et organisations concernées sont invités à prendre le temps de soumettre une réponse à la consultation avant le 5 novembre. Ils pourront ainsi s’assurer que le potentiel démocratique d’Internet et l’état de droit seront préservés à l’occasion de cette réforme.

Quels sont les enjeux de la directive e-Commerce ?

L’Union européenne entame une révision des lois relatives à Internet, avec le lancement d’une consultation publique sur l’avenir de la directive sur le commerce électronique. La directive – qui couvre un large éventail de sujets et a été adoptée en 2000, met en place un équilibre juridique protégeant la liberté de communication des utilisateurs d’Internet en limitant la responsabilité des « intermédiaires techniques », tels que les fournisseurs d’accès à Internet1Article 12 et les services d’hébergement2Article 14. Cette approche équilibrée a permis le développement d’un écosystème participatif dans lequel les intermédiaires techniques n’ont pas à surveiller les activités des utilisateurs d’internet afin de réguler les contenus en ligne3La directive indique à l’article 15 que « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.&nbsp».. Elle a aussi permis à de nouveaux services et applications d’être déployés sans être entravés par une réglementation trop contraignante.

Malheureusement, comme le souligne une étude commanditée par la Commission européenne, les juges nationaux ont eu des interprétations différentes de ces dispositions européennes, et ont tenté de donner un plus grand rôle aux intermédiaires techniques dans la suppression d’un nombre croissant d’informations supposées problématiques, avec des conséquences regrettables sur la liberté d’expression des utilisateurs d’Internet4Voir un exemple récent et qui a fait grand bruit : http://news.bbc.co.uk/2/hi/8533695.stm . À la lumière de ces incohérences, nous estimons que la réforme de la directive doit être l’occasion d’un renforcement les procédures protégeant les citoyens qui s’expriment en ligne.

La liberté d’expression en danger

Avec la révision de la directive, de nombreux lobbies sont à pied d’oeuvre pour faire en sorte que les acteurs d’Internet fassent la police sur le réseau. Après l’ACTA et le rapport Gallo, les industries du copyright vont exercer une pression particulièrement forte sur les pouvoirs publics européens pour accroître la responsabilité juridique des acteurs d’Internet et poursuivre leur guerre contre le partage entamée il y a plus de dix ans. Ils souhaitent notamment forcer les fournisseurs d’accès à Internet à filtrer les données qui transitent sur leurs réseaux, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la liberté d’expression et de communication ainsi que sur le respect de la vie privée.

Il est encore plus inquiétant de constater que les autorités publiques désirent abandonner l’interpretation rigoureuse des clauses de « responsabilité limitée » de la directive e-Commerce. Cet été, la Commission a publié un projet de recommandation relatif à la lutte contre « la dissémination de contenus illégaux »5La Commission européenne, 2010, « Projet de recommandation pour un partenariat public-privé pour contrer la dissémination de contenu illégal dans l’Union européenne. Adresse : http://www.edri.org/files/Draft_Recommendations.pdf (en anglais) dans lequel elle propose que les hébergeurs retirent automatiquement certains types de contenus supposés illégaux6Le document mentionne les sites de maltraintance d’enfants, le terrorisme et le racisme, mais ces documents représentent déjà une extension des politiques précédemment employées dans le champ des contenus de nature pédopornographique. Il est fort plausible que de telles mesures s’étendent peu à peu la diffamation, au droit d’auteur et à d’autres types d’abus mineurs de la liberté d’expression. sur notification par les autorités et organisations compétentes7Des organisations privées telles que l’Internet Watch Foundation britannique., sans qu’aucune décision judiciaire, ni préalable, ni ultérieure, ne soit prononcée8Pour une analyse du projet de recommandation, voir la position commune de la société civile et de l’industrie par EDRi et ISPA : http://www.edri.org/edrigram/number8.15/edri-euroispa-notice-takedown-commission (en anglais).

Comment répondre ?

Face à ces menaces imminentes sur la liberté d’expression, il est très important que citoyens, universitaires et organisations non gouvernementales répondent à cette consultation avant le 5 novembre afin de promouvoir les droits et libertés sur Internet et de demander aux législateurs européens d’adopter des mesures efficaces pour protéger la liberté d’expression sur Internet.

Les problèmes relatifs à la responsabilité légale des intermédiaires techniques sont évoqués dans le « thème 5 » du questionnaire (p 17 Questions 52-69), qui est relativement long. Vous pouvez également commenter la position biaisée de la Commission dans la première partie du questionnaire, qui assimile les utilisateurs d’Internet à des consommateurs passifs, et non à des participants actifs à l’environnement informationnel en ligne.

  • Vous pouvez répondre aux question de votre choix et vous n’êtes pas obligés de répondre au questionnaire entier.
  • Vous pouvez utiliser la langue avec laquelle vous êtes le plus à l’aise. Toutes les langues parlées dans l’Union européenne sont acceptées.
  • Il n’y a aucune exigence concernant la longueur ou la forme de la réponse.

Ressources utiles

  • La conférence de Sjoera Nas sur Le projet Multatuli : Notice & take down”.
  • L’argumentaire d’EDRi et EuroISPA contre le projet de recommendation de la commission relatif aux demandes de retrait des contenus en ligne.
  • Le mémo de La Quadrature sur la défense de « l’amendement 138 », dont l’objectif était d’affirmer le rôle quasi exclusif du pouvoir judiciaire pour imposer des restrictions aux accès des utilisateurs d’Internet.
  • Nous publierons notre réponse dans les prochains jours afin de donner aux citoyens et organisations concernées des indications sur les différentes façons de répondre au questionnaire.

Les questions importantes concernant la liberté d’expression sur Internet

56. Quelle est votre expérience pratique des procédures de « notification et retrait »? Fonctionnent-elles correctement? Si non, pourquoi cela n’est-il pas le cas selon vous?

59. Du point de vue technique et technologique, avez-vous connaissance de moyens efficaces de filtrage spécifique? Pensez vous qu’il soit possible d’établir un filtrage spécifique ?

60. Pensez-vous que l’introduction de normes techniques pour le filtrage contribuerait utilement à la lutte contre la contrefaçon et le piratage, ou au contraire risquerait de les faciliter ?

67. Pensez-vous que l’interdiction d’imposer une obligation générale de surveillance soit mise en cause par les obligations posées par des autorités administratives ou judiciaires aux prestataires de services, dans le but d’empêcher des infractions ? Si oui, pourquoi ?

69. Pensez-vous qu’une éventuelle insuffisance d’investissement dans l’application du droit dans la sphère de l’Internet soit une source du problème de la contrefaçon et de la piraterie ? Merci de préciser votre réponse.

References

References
1 Article 12
2 Article 14
3 La directive indique à l’article 15 que « les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.&nbsp».
4 Voir un exemple récent et qui a fait grand bruit : http://news.bbc.co.uk/2/hi/8533695.stm
5 La Commission européenne, 2010, « Projet de recommandation pour un partenariat public-privé pour contrer la dissémination de contenu illégal dans l’Union européenne. Adresse : http://www.edri.org/files/Draft_Recommendations.pdf (en anglais)
6 Le document mentionne les sites de maltraintance d’enfants, le terrorisme et le racisme, mais ces documents représentent déjà une extension des politiques précédemment employées dans le champ des contenus de nature pédopornographique. Il est fort plausible que de telles mesures s’étendent peu à peu la diffamation, au droit d’auteur et à d’autres types d’abus mineurs de la liberté d’expression.
7 Des organisations privées telles que l’Internet Watch Foundation britannique.
8 Pour une analyse du projet de recommandation, voir la position commune de la société civile et de l’industrie par EDRi et ISPA : http://www.edri.org/edrigram/number8.15/edri-euroispa-notice-takedown-commission (en anglais)

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