Loi «jeux en ligne» : Le filtrage du Net adopté

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Paris, 6 avril 2010 – Le Parlement vient d’adopter le projet de loi « jeux en ligne », dont l’article 50 vise à la mise en place de mesures de filtrage de sites Internet de jeux ou paris en ligne non autorisés. Cette disposition banalise un mécanisme privatif de liberté et pour lequel la procédure du référé judiciaire ne paraît pas adaptée en l’espèce.

L’article 50 1L’article dispose notamment: « À l’issue de ce délai, en cas d’inexécution par l’opérateur intéressé de l’injonction de cesser son activité d’offre de paris, jeux d’argent et de hasard, le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner, en la forme des référés, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 2 du I et, le cas échéant, au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa par un moteur de recherche ou un annuaire.
du projet de loi « jeux en ligne » prévoyait à l’origine que l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), autorité administrative indépendante, puisse ordonner aux fournisseurs d’accès Internet le blocage des sites de jeux en ligne contrevenant à la législation française. En première lecture, les amendements de suppression, ou visant à repousser le blocage de l’accès aux sites en bordure de réseau à l’aide de logiciels installés volontairement par les internautes, ont été repoussés. Des garanties importantes avaient toutefois été réintroduites puisque les amendements confiant au juge des référés le prononcé des mesures de filtrage, comme le prévoyait le texte initial, avaient pu être votés contre l’avis du rapporteur du projet de loi, Jean-François Lamour. Le texte adopté aujourd’hui conserve ces éléments.

Le texte ainsi voté n’est donc plus en opposition avec la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier, qui souligne qu’aucune restriction à la liberté d’expression et de communication ne peut être prononcée par une autorité non-judiciaire2http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html. Cependant, le filtrage de sites Internet, facilement contournable, est inefficace. Surtout, il fait courir un important risque de sur-blocage et porte atteinte à la neutralité du Net. Malgré le recours à une procédure d’urgence, il incombera au juge de s’assurer que les mesures de filtrage, compte tenu des dangers qu’elles font peser sur la liberté d’expression et de communication, soient proportionnées aux buts recherchés.

« L’intervention du juge, si elle constitue une garantie importante du point de vue de la protection de la liberté d’expression et de communication, ne résout pas le risque de sur-blocage de sites parfaitement légaux. Le filtrage reste une mesure à la fois inefficace et dangereuse, qui va à l’encontre du principe fondateur de neutralité du Net. Jusqu’ici pratiqué principalement dans des régimes autoritaires, le filtrage du Net se banalise en Europe. Alors que le Sénat se penchera dans les semaines à venir sur le filtrage du Net au travers du projet de loi LOPPSI 2, les pouvoirs publics français et européens doivent prendre conscience des limites et des dangers de tels dispositifs », conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.

References

References
1 L’article dispose notamment: « À l’issue de ce délai, en cas d’inexécution par l’opérateur intéressé de l’injonction de cesser son activité d’offre de paris, jeux d’argent et de hasard, le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner, en la forme des référés, l’arrêt de l’accès à ce service aux personnes mentionnées au 2 du I et, le cas échéant, au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa par un moteur de recherche ou un annuaire.
2 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html