L’Arcep se condamne à l’inefficacité sur la Neutralité du Net. Il faut une loi !

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Dans le cadre de ses commentaires sur le projet de rapport de l’Arcep relatif à la neutralité du Net, La Quadrature du Net publie aujourd’hui un aperçu des restrictions d’accès au Net imposées par les opérateurs français. Recueillies sur la plate-forme RespectMyNet, ces dernières montrent la banalisation des discriminations des communications (filtrage, blocage, priorisation), et l’urgente nécessité d’une loi venant protéger Internet des immixtions illégitimes des opérateurs.

La semaine dernière s’achevait une consultation de l’Arcep sur le projet d’un rapport sur la neutralité du Net, qui sera prochainement soumis au Parlement et au gouvernement. Dans ce document, l’Autorité fait le point sur les différents travaux engagés sur ce sujet, et estime avoir entre les mains tous les outils nécessaires pour protéger la neutralité, alors même que l’an dernier, un rapport parlementaire appelait à une loi en la matière.

L’illusoire transparence

De fait, La Quadrature ne partage pas l’optimisme de l’Arcep. Comme rappelé dans les commentaires transmis, l’approche actuelle aux niveaux français et européen est avant tout fondée sur la concurrence entre fournisseurs d’accès Internet, la transparence des restrictions imposées aux abonnés et le recours éventuel à l’imposition d’un niveau de « qualité de service minimum », une notion qui reste floue. Mise en avant depuis 2009 au niveau européen comme une alternative à l’imposition de la neutralité du Net par le législateur, cette approche corrective n’est en aucun cas suffisante, et condamne à des remises en cause durable de l’universalité d’Internet.

En effet, si l’on persiste dans la trajectoire actuelle, les importants effets de réseaux et l’inertie des choix d’infrastructure ou de modèles commerciaux font qu’il sera extrêmement difficile de remédier efficacement aux atteintes à la neutralité. Nous sommes surpris que le régulateur ne prenne pas en compte cette propriété bien connue des outils et réseaux informationnels.

Par ailleurs, le groupe de travail récemment mis en place par le gouvernement et l’Arcep pour mieux définir les obligations de transparence des opérateurs, donne le sentiment d’accorder un blanc-seing aux opérateurs, et paraît trop déconnecté de l’objectif de protection de la neutralité. C’est pourquoi La Quadrature du Net vient de mettre un terme à sa participation à ce groupe de travail.

L’Arcep désarmée

Quant aux 10 propositions de l’Arcep en matière de neutralité Net, elles semblent incapables de produire réellement leurs effets. D’une part parce qu’il manque au régulateur les outils permettant d’enquêter sur les restrictions d’accès et un pouvoir de sanction dissuasif dans ce domaine. Et d’autre part, parce que ces propositions n’ont pas de base juridique suffisamment solide.

Le recours des opérateurs Verizon et AT&T devant le Conseil d’État, visant à faire échec à toute tentative de l’Arcep de collecter des données sur le marché de l’interconnexion, donne un avant goût de ce qui attend cette dernière si elle tente d’appliquer ses propositions sur la neutralité. On notera, au passage, l’ironie cruelle de cette action en justice, menée par des opérateurs défendant justement la sacro-sainte « transparence » comme alternative à toute régulation pro-active !

L’urgence d’une loi sur la neutralité

Or, il y a beaucoup à faire. Les signalements recueillis sur RespectMyNet, présentés en annexe des commentaires de La Quadrature, montrent que les fournisseurs d’accès dominants violent allègrement la neutralité du Net en discriminant les communications de leurs utilisateurs (blocage, filtrage, priorisation des flux…). La situation reste critique. Certains abonnés rapportent même des cas de blocage du réseau d’anonymisation TOR ou d’outils de chiffrement tels que les VPN, des outils pourtant essentiels pour ceux qui souhaitent protéger la confidentialité de leurs communications.

Une loi est donc nécessaire, d’autant que le sujet fait l’objet d’une alliance trans-partisane entre la nouvelle majorité et l’opposition au Parlement, comme l’illustrent le rapport des députées Laure de La Raudière (UMP) et Corinne Erhel (PS) ou la proposition de loi de Christian Paul (PS). La Quadrature appelle donc le gouvernement, et en particulier les ministres Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, à prendre urgemment des mesures législatives concrètes, pour que la liberté de communication et l’innovation sur Internet soient garanties.