Bonjour à toutes et à tous !
Cette semaine on vous parle du Dossier Médical Partagé qui est un peu trop partagé alors qu’il contient des données médicales très personnelles, et aussi du fichier TES qui est un peu plus poreux que prévu, et on vous présente les émissions en live qu’on a prévues pour animer notre campagne de soutien 2026.
Bonne lecture à vous !
Alex, Bastien, Eva, Félix, Marne, Mathieu, Myriam, Noémie, Nono et Vi
2026, une année pour résister à la fascisation
On a lancé notre campagne de dons le 17 novembre. On dit aussi « campagne de soutien » quand on veut rester pudique. Concrètement, ça signifie qu’on a besoin de vous et de vos dons pour continuer à lutter en 2026 et au-delà. Le bon vieux nerf de la guerre, qui paye les salaires de l’équipe et les billets de train, le loyer du local et l’électricité des PC, l’imprimante à brochures et la machine à café. Voilà, on porte des idées, un idéal, la défense des libertés dans un monde qui les juge de plus en plus suspectes, et on se retrouve à compter les sous et à se demander si on pourra continuer dans un an, dans deux ans…
Car la perspective n’est pas joyeuse. On le sait, les idées de l’extrême droite raciste et autoritaire se sont diffusées dans la population, à force de matraquage médiatique et de complaisance du personnel politique qui, de la droite extrême à un centre gauche qui navigue à vue, reprend lâchement les discours virilistes et revanchards des racistes et des xénophobes de tous âges.
Quand on s’intéresse, ce qui est notre mission, aux enjeux politiques liés à la technologie numérique, c’est encore pire : le milieu de la tech californienne dans la Silicon Valley, qui domine outrageusement nos pratiques numériques en Occident, s’est tout entier plongé dans l’idéologie libertarienne. Sans nuance et sans exagération, la tech états-unienne veut et recherche activement la fin des États-nations, se voit comme une oligarchie éclairée légitime à gouverner le monde, et met ses moyens colossaux au service de ses fantasmes racistes, eugénistes, voire transhumanistes, mais d’abord et avant tout autoritaires et ultracapitalistes.
En France et en Europe, nous avons pu le documenter ces dernières années, et malgré l’indifférence du Vieux Continent aux fantasmes libertariens, la tech s’est mise sans hésiter au service de la surveillance d’État, de la traque aux pauvres et aux personnes immigrées, de la marchandisation des données personnelles jusque dans leurs secrets les plus intimes, et de la surenchère industrielle au mépris des coûts humains et environnementaux.
Nous devons affronter tout cela et ce n’est pas gai, mais nous allons l’affronter ensemble. La Quadrature du Net n’entend pas baisser les bras. Et si vous pouvez nous aider à exister jusqu’en 2027 et au-delà, n’hésitez pas à passer sur notre site de dons.
Pour animer cette campagne de soutien et commencer à creuser les sujets qui nous occupent au quotidien, nous avons décidé de nous lancer dans une série d’émissions en live, à voir en direct ou en différé. Les deux premières ont déjà eu lieu, et vous trouverez ci-dessous les liens pour les voir ou les revoir. La prochaine aura lieu mercredi 3 décembre et s’intéressera à la question de l’impossible « neutralité de la tech ». Rendez-vous à 19h30 sur Twitch, YouTube ou mieux encore, sur PeerTube.
Pour nous soutenir en 2026 : Faites un don à La Quadrature du Net
Présentation de la campagne : À l’heure de la fascisation, soutenez La Quadrature du Net
Voir la première émission : Sommes-nous à l’heure du Technofascisme ? – avec Nastasia Hadjadji
Voir la deuxième émission : Faire face à la fascisation des médias – avec Soizic Pénicaud et Clément Pouré
Plainte contre l’utilisation abusive du fichier TES
Si vous avez une carte d’identité nationale ou un passeport français récent, documents dits « biométriques », alors vos empreintes digitales et la photo de votre visage sont numérisées et stockées dans le fichier des Titres Électroniques Sécurisés (TES). Au départ, ces données auraient dû être stockées seulement dans la puce des documents eux-mêmes, pour être comparées aux données biométriques de la personne contrôlée : son visage ou ses empreintes. Pour atteindre la finalité du contrôle d’identité – « la personne qui présente ce passeport est bien la personne à qui il a été délivré » – cela aurait suffi. Mais contre l’avis de la CNIL, le gouvernement avait décidé en 2008 de conserver aussi ces données dans un gigantesque fichier centralisé, gorgé de données très sensibles.
Que croyez-vous qu’il arriva ? On imagina aussitôt plein d’autres usages à ce fichu fichier. Pour la police, c’est une mine d’or : identifier sans peine quelques dizaines de millions de personnes, c’est un rêve. Pour la police, chaque fichier est un potentiel fichier de police. Et dans la nation des honnêtes gens qui n’ont « rien à se reprocher », gavés de discours sécuritaires et anxiogènes mais privés de cours sur leurs droits de citoyen·es libres, la police doit tout pouvoir. On lui donna donc un accès à ce fichier, assorti de tout un tas de conditions, pour respecter à peu près l’esprit et la finalité initiale du fichier TES.
Que croyez-vous qu’il arriva ? (Tout cela est tellement prévisible…) La police, quand elle n’a pas un accès légitime aux données biométriques des citoyens, contourne l’obstacle et demande à d’autres services de lui fournir les informations qu’elle veut. Les glapissements sécuritaires sont une chose, la loi en est une autre : les policiers qui détournent le fichier TES de sa finalité ou abusent sciemment d’un droit encadré font un usage illégitime et sûrement illégal des pouvoirs qui leur sont donnés.
En 2022, avec 15 248 personnes, nous avons déposé une plainte collective devant la CNIL pour dénoncer l’illégalité de ce fichier. L’instruction de cette plainte est toujours en cours et c’est dans le cadre de cette procédure que nous avons envoyé de nouveaux documents à la CNIL pour démontrer, avec des preuves, ce que nous redoutions à juste titre : la police se sert allègrement dans le fichier TES.
L’article du 25 novembre : La police détourne le fichier des passeports et des cartes d’identité
Le complément de notre plainte auprès de la CNIL : Observations complémentaires
Non au Dossier Médical Partagé obligatoire
L’article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 voulait renforcer l’obligation pour les professionnel·les de santé d’utiliser le Dossier Médical Partagé (DMP) des patient·es. L’objectif affiché est comme toujours de « simplifier » l’échange des informations de santé. L’objectif moins avoué et moins avouable serait de les centraliser et de pouvoir plus facilement les exploiter à des fins statistiques ou commerciales (article du 17 mars 2021).
Mais même en laissant de côté ce dernier aspect de la question, le DMP en lui-même pose déjà un bon nombre de problèmes sérieux (article du 25 mars 2022). Le principal point d’inquiétude concerne l’absence totale de contrôle que les patient·es ont sur leurs propres données de santé. L’accès aux documents (résultats d’examens, prescription, etc.) est paramétré par le personnel médical, sans possibilité pour les patient·es de cloisonner ou de supprimer ces accès. La suppression des documents est également impossible ou presque. Cela complique le rapport avec les médecins, et empêche parfois la relation de confiance nécessaire au soin, pour toutes les personnes qui souhaitent par exemple garder le contrôle sur la divulgation de leur identité trans, de leur recours à l’IVG, ou de leur pathologie psychiatrique. La « transparence » voulue par le législateur, qui veut lutter contre le « nomadisme médical » – ce que nous appelons plutôt la liberté de choisir ses soins – pour des raisons d’économie, est typique du célèbre mieux qui est l’ennemi du bien.
L’obligation renforcée de renseigner le DMP, qui conditionnerait même l’accès à certains soins, est ressentie par nombre de patient·es comme un mauvais traitement et une infantilisation par l’État. On retrouve dans ce renforcement des contrôles des individus, au nom de quelques abus, le même esprit répressif qui légitime la surveillance de toutes et tous au nom d’une sécurité hors d’atteinte. Les citoyen·es de la République, fondée sur les principes humanistes et révolutionnaires de 1789, méritent mieux qu’une médecine suspicieuse et moucharde. La Quadrature, avec d’autres, demande donc la suppression de l’article 31 du PLFSS 2026. Si le Sénat a supprimé pour l’instant cet article, nous restons vigilant·es puisque les débats continuent actuellement à l’Assemblée qui pourrait vouloir rétablir cette disposition.
L’article du 21 novembre : Le gouvernement veut nous obliger à utiliser le Dossier Médical Partagé
Notre site de don s’améliore grâce à vous !
Le site de don de la Quadrature a récemment reçu des améliorations de Couy et Kilroa, deux camarades qui ont aidé à débuguer l’image Docker qui sert à son développement ainsi qu’à améliorer l’interface d’administration et la validation des adresses postales.
Cela veut dire que bientôt, cela sera plus facile pour nous de gérer les contreparties et pour vous ça sera plus simple de renseigner votre adresse (et être sûr que ça arrive à bon port !).
Un grand merci à eux ! Si vous aussi, vous êtes des enchanteurs et des enchanteuresses du silicium, passez donc sur #nerds:laquadrature.net (sur [matrix]) et sur notre forge logiciel pour nous aider à forger ensemble les binaires de notre liberté collective !
Agenda
- 3 décembre 2025 : Réunion du groupe Technopolice Paris-Banlieue à 19h au Bar Commun, 135 rue des Poissonniers, 75018 Paris.
- 3 décembre 2025 : La Quadrature part en live ! Émission « Impossible neutralité de la tech : la fascisation est-elle inscrite dans le code ? » à partir de 19h30.
- 10 décembre 2025 : La Quadrature part en live ! Émission « La surveillance des frontières ».
- 11 décembre 2025 : Causerie mensuelle du groupe Technopolice Marseille à 19h au Manifesten, 59 Rue Adolphe Thiers, 13001 Marseille.
- 17 décembre 2025 : La Quadrature part en live ! Émission « Services de renseignements, répression et discriminations ».
- Retrouvez tout l’agenda en ligne.
La Quadrature dans les médias
Divers
- Révélations : quand la CAF travaille avec la police pour punir les militants [Le Média TV]
- Le « mégafichier » des papiers d’identité attaqué devant la CNIL [Le Monde]
- Les Nums, l’émission #2 : peut-on protéger les internautes sans contrôler Internet ? [Les Numériques]
- Des lois qui repoussent systématiquement les limites des libertés sur internet? Depuis les attentats du 13-Novembre, les lois sécuritaires et restrictives se sont multipliées (même si certaines sont censurées) [BFM.com]
- La police judiciaire contourne la loi pour fouiller le méga « fichier des gens honnêtes » [Next]
- Sébastien Lecornu a-t-il signé un décret pour « surveiller toutes vos communications en ligne pendant un an » ? [TF1]
- La science-fiction, dépassée dans bien des domaines… [Libération]
- Entretien avec Juan Sebastian Carbonell : ce que l’IA fait au travail [Non fiction]
- Après la mort en direct d’un streamer, la régulation de la plateforme Kick en question [Brut]
- « Dis Siri, est-ce que tu m’enregistres ? » [France Culture]
- Intelligence artificielle, une guerre à coups de milliards de dollars qui va mal finir [Blast]
- « Pays de plus en plus autoritaire », GrapheneOS coupe les ponts avec la France après une polémique explosive [ZDNet]
- Empêcher l’accès des mineurs aux contenus « sensibles » sur internet : quand surfer sans papiers devient compliqué [Le Soir]
- Chatcontrol : l’opposition de l’Allemagne offre un répit aux opposants [ZDNet]
Vidéosurveillance
- « Le débat sur l’utilité réelle de la vidéosurveillance n’a jamais cessé d’exister » [La Gazette des communes]
- « Il y a une énorme opacité » : comment la vidéosurveillance algorithmique se développe en toute discrétion en France [France Info]
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