Terrorisme : le gouvernement Valls veut la censure administrative du Net !

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Paris, 9 juillet 2014 — Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, a présenté aujourd’hui en Conseil des ministres son projet de loi de lutte contre le terrorisme. Véritable arsenal de mesures de surveillance et de restrictions des libertés, ce texte réintroduit notamment le blocage administratif et sans juge de sites Internet, et propose d’étendre à nouveau l’extra-judiciarisation de la censure des contenus en ligne.

Le projet de loi de lutte contre le terrorisme présenté ce matin en Conseil des ministres par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, rappelle douloureusement les projets similaires régulièrement présentés alternativement par l’UMP ou le PS.

Une fois encore, un sujet parfaitement légitime – ici la lutte contre le terrorisme – est instrumentalisé pour justifier la restriction de la liberté de communication et la fuite en avant vers la surveillance en France. Cette fois-ci, le gouvernement souhaite non seulement étendre encore les responsabilités des intermédiaires techniques dans la suppression de contenus en ligne encadrée par la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN) (à charge pour eux, acteurs privées, de déterminer ce qui est licite ou non, hors de tout contrôle judiciaire), mais il pousse encore plus loin la volonté de censure extra-judiciaire en remettant en avant les mesures de blocage administratif dans l’article 9 du texte (dans un premier temps article 6).

Comme l’indiquait le parti socialiste avant d’accéder au pouvoir, la censure administrative de sites Internet porte gravement atteinte à nos droits fondamentaux1Voir la note « Le filtrage viole l’État de droit ». Elle banalise des restrictions de liberté sans intervention préalable d’un juge, et donc les mesures d’exceptions. Quant à la mention d’un magistrat chargé d’assurer le soi-disant contrôle de ces mesures, il ne s’agit que d’une parodie de justice dès lors que ce dernier, nommé par le ministère de la Justice et travaillant seul, ne présentera aucune garantie d’indépendance, sera dépourvu de moyens, et agira a posteriori sans aucun pouvoir de suspension des mesures de blocage ordonnées.

Cette mesure de censure administrative, qui reprend celle votée au nom de la lutte contre la pédopornographie en 2011, s’appuie sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour faire appliquer les blocages de sites. La Quadrature du Net tient à mettre particulièrement en garde les citoyens et le législateur contre les risques de dérives des techniques permettant de tels blocages :

  • soit ceux-ci sont mis en œuvre au niveau des noms de domaine (DNS), et n’ont alors aucune utilité réelle, puisqu’ils peuvent être contournés très facilement, à moins de consentir à d’importants risques de surblocage ;
  • soit le blocage est réalisé par des techniques dites « hybrides », qui entraînent des risques techniques pour le fonctionnement de l’ensemble du réseau et sont facilement contournables2Voir la note sur le filtrage hybride publiée à propos des sites pédopornographiques ;
  • soit, pour éviter la réapparition des contenus sur un autre site Internet et comme semble l’envisager le gouvernement, le blocage doit concerner les contenus eux-mêmes, nécessitant que les FAI mettent en place des mesures d’inspection systématique des requêtes des internautes pour effectivement empêcher l’accès à ces contenus, instaurant de fait une surveillance globale des internautes.

Par l’extension de l’article 6 de la LCEN à l’incitation ou à l’apologie de terrorisme, le projet de loi de Bernard Cazeneuve continue également l’interminable élargissement de la liste des contenus pour lesquels la responsabilité des hébergeurs peut être mise en cause (le troisième en moins d’un an). Comme La Quadrature du Net l’a expliqué à maintes reprises aux parlementaires ces derniers mois, l’état du droit et de la jurisprudence poussera les hébergeurs à censurer largement tous les contenus signalés, là encore sans aucune intervention judiciaire. Cette nouvelle extension des obligations de signalement est proposée alors même que la définition de l’incitation au terrorisme est floue et particulièrement difficile à déterminer, renforçant la nécessité d’une procédure contradictoire et équitable pour s’assurer du respect de la liberté d’expression.

Ces mesures, qui visent à rendre inaccessibles aux internautes français les contenus de ces sites et non à lutter effectivement contre les réseaux terroristes, rappellent celles votées en décembre 2013 avec la loi de programmation militaire. Elles inquiètent par leur caractère attentatoire et disproportionné aux libertés fondamentales, et ce d’autant plus que les contenus violents ou appelant à la violence sont déjà couverts par la LCEN et que des procédures judiciaires d’urgence sont déjà prévues.

« Les mesures proposées pour censurer les sites qui font l’apologie du terrorisme mettent directement en cause la liberté d’expression et le droit au procès équitable, deux composantes essentielles de l’État de droit. La force de notre démocratie est de savoir se défendre sans abdiquer ses principes ni les libertés fondamentales de ses citoyens. Nous appelons donc le gouvernement de Manuel Valls, et particulièrement Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, à renoncer à ces mesures extra-judiciaires et à œuvrer pour que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le strict respect de l’État de droit » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

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