Jeux en ligne: le filtrage du Net voté mais confié au juge

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Paris, 9 octobre 2009 – L’Assemblée nationale a adopté ce matin l’article 50 du projet de loi « jeux en ligne », qui vise à la mise en place de mesures de filtrage de sites Internet de jeux ou paris en ligne non autorisés. Cette disposition instaurant le filtrage du Net est la première du genre en France. Bien que confiée au juge des référés, elle compromet l’exercice des libertés fondamentale sur Internet.

L’article 50 du projet de loi « jeux en ligne » prévoyait que l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), autorité administrative indépendante, puisse ordonner aux fournisseurs d’accès Internet le blocage des sites de jeux en ligne contrevenant à la législation française. Les amendements de suppression, ou visant à repousser le blocage de l’accès aux sites en bordure de réseau à l’aide de logiciels installés volontairement par les internautes, ont été repoussés. Des garanties importantes ont toutefois été réintroduites, puisque les amendements confiant au juge des référés le prononcé des mesures de filtrage, comme le prévoyait le texte initial, ont été adoptés contre l’avis du rapporteur du projet de loi, Jean-François Lamour.

Le texte ainsi voté n’est donc plus en opposition avec la décision1Voir la décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier, qui souligne qu’aucune restriction à la liberté d’expression et de communication ne peut être prononcée par une autorité non-judiciaire. Cependant, le filtrage de sites Internet, facilement contournable, est inefficace. Surtout, il fait courir un important risque de sur-blocage2Notamment lorsqu’on bloque l’accès au site par son adresse IP, sur laquelle des milliers d’autres sites peuvent être présents). Des sites légaux pourraient ainsi être victimes de blocage, ce qui causerait potentiellement de lourds préjudices (site de commerce, etc.) qui devraient in fine être assumés par l’État. et porte atteinte à la neutralité du Net. Il incombera donc au juge de s’assurer que les mesures de filtrage, compte tenu des dangers qu’elles font peser sur la liberté d’expression et de communication, soient proportionnées aux buts recherchés.

« L’intervention du juge, s’il elle constitue une garantie importante du point de vue la protection de la liberté d’expression et de communication, ne résout pas le risque de sur-blocage. De ce point de vue, le filtrage reste une mesure à la fois inefficace et dangereuse, qui va à l’encontre du principe fondateur de neutralité du Net. Il est essentiel que les pouvoirs publics se détournent des solutions de facilité attentatoires aux libertés. L’appel lancé par plusieurs députés à une réflexion globale sur les libertés fondamentales à l’heure d’Internet doit être entendu afin de placer la protection des citoyens au cœur du débat », conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne La Quadrature du Net.

References

References
1 Voir la décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html
2 Notamment lorsqu’on bloque l’accès au site par son adresse IP, sur laquelle des milliers d’autres sites peuvent être présents). Des sites légaux pourraient ainsi être victimes de blocage, ce qui causerait potentiellement de lourds préjudices (site de commerce, etc.) qui devraient in fine être assumés par l’État.