Le Parlement doit protéger nos identifiants numériques

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Aujourd’hui, à 16h, 7 députés et 7 sénateurs, réunis en commission mixte paritaire (CMP), devront trouver un texte de compromis entre les versions du projet de loi sécuritaire adoptées au Sénat et à l’Assemblée. Cet énième texte sécuritaire devrait être rejeté par les deux Assemblées, car il est à la fois inutile – les lois existantes suffisent amplement au Gouvernement pour poursuivre sa paranoïa sécuritaire – et dangereux puisqu’il augmente considérablement les pouvoirs de l’administration au détriment de la justice et au mépris du principe de séparation des pouvoirs (lire notre analyse). Enfin il est proposé alors qu’aucune des lois précédentes n’a fait l’objet d’une évaluation pour en vérifier l’efficacité. Cet après midi, il reviendra notamment aux sénateurs de maintenir leur opposition à l’obligation de déclarer ses identifiants numériques et aux députés de comprendre enfin que cette mesure est autant inutile qu’inconstitutionnelle. La Quadrature du Net leur envoie le courrier ici reproduit, afin que ceux-ci ne puissent jamais feindre de n’avoir pas eu conscience de l’absurdité de cette mesure si dangereuse.

Dans le même temps, nous exhortons chacun et chacune d’entre nous à appeler immédiatement les membres de la commission. Vous retrouverez leur numéro de téléphone et les principaux arguments sur notre wiki.

9 octobre 2017

Objet : contre l’obligation de déclarer ses identifiants numériques

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Voudriez-vous que le ministère de l’Intérieur puisse non seulement devenir votre ami sur Facebook, mais aussi voir toute votre activité, savoir quelles sont toutes vos adresses mail utilisées et dans quel cadre vous vous en servez ? Connaissez-vous même exactement tous vos identifiants sur tous les services auxquels vous vous êtes un jour inscrits ou que vous avez utilisés (l’adresse IP de votre bureau ou de votre domicile, l’adresse MAC de votre smartphone…) ?

Nous doutons que vous les connaissiez tous. Or, toute personne qui, comme vous, ne pourrait répondre précisément à l’injonction faite par l’administration de lui livrer l’ensemble des « identifiants techniques de tout moyen de communication électronique » qu’elle utilise pourrait être condamnée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

Une telle peine vous semble-t-elle proportionnée pour sanctionner un défaut de connaissance technique que vous-même partagez ? Non, elle ne l’est pas. Il ne fait guère de doute que le Conseil constitutionnel tranchera clairement en ce sens lui aussi.

De même, il censurera cette disposition comme contraire au « droit de se taire », qu’il a déjà reconnu dans sa décision 2016-594 QPC comme étant une composante de la présomption d’innocence garantie à l’article 9 de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Ainsi, pourquoi garderiez-vous dans cette loi une disposition destinée à être censurée ? Et pourquoi prendriez-vous le risque de subir une telle déconvenue alors même que cette mesure n’a aucun intérêt opérationnel ? Elle n’est qu’une disposition d’affichage sécuritaire et n’aura aucune conséquence dans la lutte contre le terrorisme que vous prétendez porter à cœur.

En effet, en 2015, vous avez déjà donné à l’administration tous les pouvoirs nécessaires pour qu’elle obtienne d’elle même l’ensemble des identifiants d’une personne en lien avec n’importe quel type de menace. L’article L851-1 du code de la sécurité intérieure permet déjà à l’administration, dans des conditions bien plus permissives que celles de la présente loi, de collecter l’ensemble des « données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques [et] l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée ».

L’article L851-2 lui permet de collecter ces données en temps réel, en se connectant directement en tout point du réseau, et l’article L851-6 lui permet de le faire au moyen d’IMSI-catcher et d’autres appareils d’interception locale.

Pour toutes ces raisons, nous vous exhortons, Mesdames, Messieurs, à suivre la position arrêtée par le Sénat le 18 juillet dernier en retirant de ce texte déjà particulièrement révoltant l’alinéa 27 de son article 3.

La Quadrature du Net