Lettre ouverte aux institutions européennes : WIFI4EU doit promouvoir la diversité, le local et les droits humains

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Paris, le 22 mai 2017 — Alors que le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne entrent dans la phase obscure des trilogues pour le projet de réglement WIFI4EU, les réseaux associatifs européens ainsi que la communauté du wifi-ouvert veulent leur rappeler l’importance d’inclure tous les acteurs dans le développement de la connectivité locale.

Sujet : WIFI4EU — l’Union européenne doit promouvoir la diversité dans le secteur des télécommunications et résister à la marchandisation des réseaux financés par de l’argent public

Monsieur, Madame,

Les délégations des membres du Parlement européen sont en train de terminer les négociations pour le projet de règlement WIFI4EU. Ce règlement autorisera les collectivités locales à ouvrir des points d’accès WIFI afin de développer l’accès à Internet, particulièrement dans les communautés mal couvertes.

WIFI4EU est une initiative annoncée l’année passée par le président Juncker dans le discours sur l’état de l’Union prononcé à Strasbourg. Afin de tenir sa promesse « d’équiper chaque village européen et chaque ville d’un accès sans fil à Internet autour des centres de vie publique d’ici 2020 », l’UE va débloquer 120 millions d’euros entre 2017 et 2019 afin de déployer des points d’accès WIFI dans 6000 à 8000 collectivités locales.

Mais alors que les trilogues se terminent, il y a un grand risque de voir cette louable initiative rater l’opportunité de promouvoir la diversité dans le domaine des télécommunications et de promouvoir les droits humains. Les négociations récentes démontrent que les gouvernements des États membres veulent garder les petits fournisseurs d’accès à Internet locaux hors du champ, en favorisant les opérateurs et corporations historiques et en leur laissant le droit d’espionner les communications des utilisateurs.

Pour surmonter ces risques, nous appelons le Conseil de l’UE et la Commission européenne à soutenir la proposition constructive du Parlement européen, et demandons que les termes restent suffisamment fermes pour garantir l’intérêt public dans les politiques de télécommunication.

Faire de la place pour les PME et les coopératives à but non lucratif

Dans le considérant 4 du règlement, le Parlement européen insiste sur l’engagement d’organisations telles que « les coopératives sans but lucratif » et « les centres communautaires » en tant qu’entités pouvant offrir un accès à Internet sans fil. Dans la même veine, au considérant 9b, le Parlement européen souhaite promouvoir les PME locales et les acteurs sans but lucratif comme les bénéficiaires clés pour la fourniture et l’installation d’équipements 1Dans ce contexte, le textes ne mentionne que les « PME », mais ces dernières sont définies dans la loi européenne comme des « entités engagées dans une activité économique, indépendamment de leur forme légale. » La notion peut par conséquence inclure de nombreuses entités sans but lucratif qui travaillent déjà au niveau local pour fournir un accès à Internet souple et abordable. Voir : http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/15582/attachments/1/translations . Une telle formulation garantit que les acteurs locaux et de petite taille — y compris des PME et de nombreux réseaux communautaires à but non lucratif — seront éligibles aux fonds WIFI4EU. En dirigeant ces fonds vers ces acteurs de petite taille mais compétents, WIFI4EU promouvrait l’emploi local ainsi que la diffusion des compétences techniques et de la diversité dans le secteur des télécommunications, au lieu de favoriser les acteurs déjà dominants de l’industrie. Il est déjà pour le moins choquant de constater que de nombreux réseaux communautaires sans but lucratif gèrent le type de réseaux sans fils ouverts dont WIFI4EU fait la promotion, sans ou avec peu de soutien public. En dirigeant ces fonds européens vers ces acteurs quand cela est possible, WIFI4EU a la possibilité de les aider à grandir et à étendre leurs activités au niveau local. Malheureusement, le Conseil européen essaye de retirer ces considérants en prétextant qu’ils ne reposent sur aucune base légale, ouvrant ainsi la voie aux acteurs dominants pour qu’ils ramassent l’essentiel des subsides de WIFI4EU.


Considérant 4

Protéger le droit à la vie privée en renonçant à l’authentification préalable

Au considérant 2, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne promeuvent tous deux un système d’authentification unique qui pourrait être utilisé à travers toute l’UE. Cette solution qui favorise un système d’authentification pour réglementer l’accès aux réseaux « ouverts » ne s’appuie sur aucun raisonnement substantiel, et va à l’encontre des droits humains. Nous comprenons le but des législateurs de rendre l’accès à ces réseaux publics aussi facile que possible pour les gens voyageant à travers l’UE, mais la manière la plus simple d’arriver à cela, c’est de garantir que ces réseaux soient en effet des réseaux ouverts sans authentification. Si l’objectif du système d’authentification est d’empêcher les activités illégales, il faut rappeler aux législateurs que l’Avocat Général de la CJUE a récemment expliqué dans l’affaire C‑484/14 (McFadden) qu’imposer aux opérateurs de réseaux sans fil une obligation « d’identifier les utilisateurs et de conserver leurs données » serait « clairement disproportionnée » car elle ne serait pas en elle-même efficace (…) à empêcher des violations particulières ». Dans sa décision, la Cour a convenu qu’une telle obligation ne devrait être seulement imposée qu’après qu’un opérateur WIFI aura reçu une injonction ciblée spécifique à le faire. Pour minimiser le risque d’atteinte à la vie privée associé à la rétention de données et favoriser la facilité d’utilisation, WIFI4EU ne devrait pas promouvoir les systèmes d’authentification dans ce qui est censé être des points d’accès ouverts et gratuits.


Considérant 2

Garder la publicité et la surveillance commerciale hors des réseaux sans fils publics

WIFI4EU ne doit pas transformer en valeur marchande les services financés par de l’argent public en autorisant des modèles publicitaires rendus possible par la surveillance commerciale. Malheureusement, le Conseil essaie de saper la protection proposée par le Parlement dans le considérant 2 qui exclu l’utilisation des données de trafic pour des raisons publicitaires ou d’autres utilisations commerciales. Le Parlement et le Conseil doivent garder la version du Parlement afin d’être entièrement alignés avec le cadre de protection des données personnelles ainsi que la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne. De plus, l’utilisation commerciale de données ne peut se justifier dans le cadre de services publics, particulièrement si ces services sont financés par de l’argent public.

Offrir un accès gratuit, ouvert et neutre à ceux qui en ont le plus besoin

La première priorité de WIFI4EU est de mettre en place un réseau d’accès sans fil ouvert et gratuit qui développera un accès à Internet dans les localités non ou mal desservies. La proposition du Conseil d’effacer l’objectif législatif de « ne pas laisser les localités éloignées et les zones rurales à la traîne » et de faire de ces réseaux financés par de l’argent public « exempts de charges et exempt de restrictions » est dangereuse. Elle suggère que les réseaux de WIFI4EU pourraient ne pas être gratuits, ni ouverts ni même respecter la neutralité du Net, principe gravé dans la réglementation européenne lors de la première régulation sur les télécommunications. La formulation du Parlement européen doit être confirmée.


Considérant 4a


Considérant 2§2c

Nous comptons sur vous afin d’assurer que les propositions du Parlement européen, qui servent l’intérêt général ainsi que les objectifs spécifiques de l’UE concernant la législation sur la bande passante, soient conservées dans la version finale du texte.

ici">Consulter le document entier ici (pdf)

Signataires :

  • Aquilenet (France)
  • BlueLink Civic Action Network (Bulgarie)
  • CAFAI (France)
  • Colectivo Helianto (Navarre)
  • Common Grounds (Allemagne)
  • Chaos Computer Club Lëtzebuerg (Luxembourg)
  • exo.cat (Espagne)
  • FDN (France)
  • FFDN (France)
  • Free Knowledge Institute (Europe)
  • Frënn vun der Ënn (Luxembourg)
  • Funkfeuer Wien (Autriche)
  • Guifi Foundation (Espagne)
  • IGWAN.NET (France)
  • Ilico (France)
  • La Quadrature du Net (France)
  • LibreMesh (Global)
  • wlan slovenija, open wireless network (Slovenie)
  • netCommons (EU)
  • NetHood (Suisse)
  • Open Technologies Alliance – GFOSS (Grèce)
  • Progetto Neco (Italie)
  • Sarantaporo.gr Non Profit Organization (Grèce)
  • SCANI (France)
  • Tetaneutral.net (France)
  • Viviers Fibre (France)
  • Wireless België (Belgique)
  • Xnet (Espagne)
  • WirelessPT.net (Portugal)

References

References
1 Dans ce contexte, le textes ne mentionne que les « PME », mais ces dernières sont définies dans la loi européenne comme des « entités engagées dans une activité économique, indépendamment de leur forme légale. » La notion peut par conséquence inclure de nombreuses entités sans but lucratif qui travaillent déjà au niveau local pour fournir un accès à Internet souple et abordable. Voir : http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/15582/attachments/1/translations

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