Réforme du droit d’auteur en Europe : il faut sauver les droits culturels positifs dans le rapport Reda !

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Paris, 17 juin 2015 — Le rapport de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme du droit d’auteur a été adopté à une large majorité le 16 juin par les membres de la commission des Affaires Juridiques du Parlement européen. Devenu l’enjeu d’oppositions très fortes et de déclarations outrancières tant de certains parlementaires (notamment français) que des ayant-droit, il a subi avant le vote un détricotage important par le biais d’amendements visant à empêcher les propositions les plus intéressantes pour la reconnaissance des droits culturels positifs d’être adoptées. Cependant plusieurs avancées sont à saluer dans ce rapport, fruit de compromis permettant de montrer aux citoyens que leur mobilisation est cruciale, et aux maximalistes du droit d’auteur qu’ils ne peuvent plus dicter leurs lois sans opposition au Parlement européen.

L'eurodéputée Julia Reda
L’eurodéputée Julia Reda

Sur plusieurs points importants, les eurodéputés de la commission JURI ont fait preuve de sagesse en repoussant des amendements potentiellement dangereux. Ils ont notamment refusé la proposition de Angelika Niebler (DE – PPE) appelant à créer un nouveau droit voisin sur les contenus de presse. Les incitations à renforcer la responsabilité des intermédiaires techniques qui résultaient de plusieurs amendements ont également été repoussées.

L’objectif initial du rapport Reda a ainsi pu être préservé, à savoir l’idée que les droits du public, et pas seulement ceux des titulaires, doivent faire l’objet d’une harmonisation au sein de l’Union européen au nom des droits fondamentaux. Il est cependant regrettable que le texte final n’ait pas retenu la proposition de rendre obligatoires toutes les exceptions au droit d’auteur pour éviter les distorsions entre les pays de l’Union, même s’il appelle la Commission à mettre en place des « standards minimum » pour harmoniser les exceptions en Europe.

Les eurodéputés sont parfois allés plus loin que ne le préconisait le rapport Reda à l’origine, notamment en ce qui concerne la reconnaissance et la protection du domaine public, la possibilité pour les bibliothèques de prêter des livres numériques (malheureusement sans exiger l’absence de DRM) ou les exceptions en faveur des handicapés. Le texte final, bien que moins fortement que proposé par Julia Reda pousse aussi la Commission à sécuriser les pratiques d’exploration de données (Text and Data Mining) par le biais d’une nouvelle exception, ainsi qu’à rendre opératoires les exceptions pédagogiques et de recherche dans le cadre des activités en ligne.

Il est en revanche très dommageable que certaines des propositions les plus intéressantes du rapport Reda aient été supprimées par voie d’amendement. C’est le cas en particulier des exceptions en faveur des usages transformatifs (remix, mashup, etc). L’extension de la citation aux œuvres audio-visuelles ou de la parodie en dehors du contexte humoristique ont été rejetés, de même que la généralisation de la liberté de panorama, pour autoriser la prise de vue et la rediffusion d’images des bâtiments situés dans l’espace public, qui a elle-aussi disparu. Il en est de même des propositions de Julia Reda visant à créer un véritable droit à l’interopérabilité, permettant de passer outre les verrous numériques (DRM) implantés dans certains fichiers et de la reconnaissance du droit à la référence, c’est-à-dire du droit à lier des contenus entre eux sans soumission aux règles du droit d’auteur.

Si la prise en compte des droits culturels positifs continue à sous-tendre une partie du rapport Reda, et ce malgré le lobbying acharné des industries culturelles qui s’est déployé depuis des mois pour bloquer cette évolution, relayé par des gouvernements comme celui de la France ayant abandonné tout esprit d’équilibre, cet acquis reste très fragile et les citoyens doivent continuer à se mobiliser pour éviter tout nouvel affaiblissement qui achèverait de détruire les ambitions initiales de ce rapport.

Le vote final sur ce rapport est prévu pour les 8 et 9 juillet prochains en réunion plénière du Parlement européen : il est crucial de continuer à appeler les eurodéputés pour les inciter à soutenir et améliorer le texte. Par ailleurs, la vigilance est toujours de mise, car d’autres visions de la réforme du droit d’auteur progressent aussi en parallèle. La semaine dernière, un autre rapport préparé par l’eurodéputé Pavel Svoboda (CZ – PPE) , a été adopté par le Parlement européen, qui appelle la Commission à renforcer les moyens d’application du droit d’auteur dans un sens répressif et en faisant pression sur les intermédiaires techniques.

« Même affaibli par certains amendements de compromis et par le lobbying acharné des industries culturelles, le rapport adopté par la commission JURI reste un signal envoyé en faveur de la reconnaissance des droits culturels positifs des citoyens européens. Il peut encore contribuer à changer l’orientation de la législation européenne, après des décennies de durcissement du droit d’auteur. Les maximalistes du droit d’auteur ont perdu une bataille, mais la mobilisation citoyenne ne doit pas faiblir pour préserver et amplifier ce mouvement » déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d’Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.

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