En Espagne, les réseaux télécoms citoyens entravés par des pratiques clientélistes

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En 2014, la Commission européenne publiait un rapport présentant les résultats d’une consultation d’entreprises, dans 28 pays de l’Union Européenne (UE-28), de différents secteurs où celui des télécoms est affirmé comme le secteur économique le plus corrompu après celui du BTP.

Alors que les télécoms sont dominés par des oligopoles au niveau national, les formes et les effets de cette corruption sont multiples. Sur le terrain, les initiatives citoyennes qui cherchent à se réapproprier les infrastructures télécom font en tous cas fréquemment l’expérience de ce qui s’apparente à des pratiques quasi-mafieuses.

C’est pour dénoncer cette situation qu’en Espagne, la fondation Guifi.net – qui travaille à la construction de réseaux télécoms gérés comme biens communs, par et pour des communautés locales – vient de déposer une plainte auprès de la Médiatrice européenne. Depuis des années, Guifi.net constate que le déploiement de ses réseaux libres est entravé par la non-coopération d’entreprises ou d’autorités publiques qui refusent de donner droit à ses demandes d’accès aux infrastructures existantes (réseaux télécoms, ferroviaires, électriques), grâce auxquelles elle entend déployer ses fourreaux de fibre optique et ainsi étendre son réseau. Ses recours en justice ou ses saisine du régulateur des télécoms, la CNMC, sont restés sans véritables effets.

Ces pratiques d’obstruction – contraires au droit européen et pourtant impunies – provoquent des retards, des surcoûts, et des formes de concurrence déloyales. Leur caractère systémique montrent à quel point les politiques publiques font obstacle à la maîtrise citoyenne des réseaux télécoms et, in fine, à la décentralisation d’Internet. Par solidarité avec Guifi.net et parce que, partout en Europe, les réseaux télécoms libres et citoyens font face à des problématiques similaires (voir en France le récent appel de la Fédération FDN à l’Arcep), nous republions ci-dessous le communiqué de Guifi.net, et leur exprimons notre soutien.

Guifi.net dénonce les manquements au droit européen de la concurrence et des télécommunications

Barcelone, le vendredi 26 octobre

La fondation guifi.net dépose une plainte au Médiateur Européen, appelant la Commission Européenne à agir contre les mauvaises pratiques dans les États membres et à garantir le respect des textes européens en matière de télécommunications et de droit de la concurrence.

Ce vendredi 26 octobre, la fondation guifi.net a déposé sa plainte au siège de la Commission européenne à Barcelone. Elle décrit les situations de conflit d’intérêts économiques, les mauvaises pratiques ainsi que les barrières à l’entrée qui s’exercent à tous les niveaux en Espagne.

La décision de déposer cette plainte est motivée par la violation continue et systématique du droit européen des télécommunications et du droit de la concurrence, et plus précisément du décret espagnol RD 330/2016 du 9 septembre relatif à la réduction du coût du déploiement des réseaux de télécommunications électroniques à haut débit, qui transpose la directive 2014/61/UE du Parlement européen. Ce décret permet aux opérateurs de réseaux de communications ouverts au public d’accéder aux infrastructures physiques existantes, et ce peu importe leur localisation.

Les mauvaises actions, ainsi que l’absence d’action dans certains cas, sont commises à la fois par des entreprises privées ainsi qu’à tous les niveaux de l’administration et dans différents territoires de compétence. Cela mène à une impasse (blocus mutuel) rendant irréalisables les projets de réseaux en commun de guifi.net — à travers une infrastructure dont le principal objectif est d’atteindre l’ensemble du territoire pour relier tous les ménages, mettant ainsi fin à la fracture numérique.

La fondation guifi.net est un organisme à but non lucratif et d’intérêt général qui défend l’accès à Internet en tant que droit humain (reconnu par les Nations Unies en 2011) et qui travaille à la promotion d’un réseau de télécommunication en coopération, ouvert, libre et neutre, sur le modèle d’un bien commun.