Des failles majeures dans le Règlement relatif à la vie privée – Le Parlement doit défendre les citoyens

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Strasbourg, 21 octobre 2013 — La commission « Libertés civiles » (LIBE) du Parlement européen, menée par Jan Philipp Albrecht, vient d’adopter son rapport sur la nouvelle législation relative à la protection des données personnelles. Malgré quelques avancées, des failles majeures – particulièrement concernant « l’intérêt légitime » et la « pseudonymisation » des données – et l’adoption du mandat de négociation tripartite à huis-clos (trilogue) pourraient rendre le texte final totalement inapte à protéger les citoyens. Les représentants du Parlement devront donc veiller à la mise en place de solides garanties en faveur de la protection du droit fondamental à la vie privée des citoyens au cours des négociations à venir.

Jan Philipp Albrecht
Jan Philipp Albrecht

En adoptant les amendements de compromis 61Cet amendement de compromis pourrait faire de l’exception au nom de « l’intérêt légitime » la base légale du traitement des données, privant les citoyens de tout contrôle (tel que le consentement explicite) sur la manière dont sont traitées leurs données personnelles. et 202Cet amendement de compromis pourrait rendre nulles toutes les protections contre le profilage réalisé à partir de données « pseudonymisées ». Mais même « pseudonymisées » des données peuvent toujours être facilement rattachées à la personne concernée à l’occasion d’un autre traitement. Ainsi, tout profilage réalisé à partir de telles données doit l’être sous le contrôle des personnes concernées. les membres de la commission « Libertés civiles » (LIBE), en charge de ce dossier, prennent le risque de rendre inefficace l’ensemble du texte, malgré les progrès réalisés ce soir (le principe du consentement explicite a par exemple été maintenu). Les membres de la commission LIBE ont également fait le choix très inquiétant d’accepter l’ouverture des négociations tripartites secrètes demandées par le rapporteur Jan Philipp Albrecht. Le projet de Règlement sera maintenant modifié à huis-clos par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil (des ministres des États membres). Ce dernier pourrait profiter des négociations opaques pour réduire à néant toutes les dispositions positives inclues dans ce texte, et aboutir à une législation faible et dangereuse. Démarrer ces négociations dans un tel contexte risque d’affaiblir la position du Parlement européen, réduisant toute chance de débat public ou de mobilisation citoyenne.

En l’absence de débats démocratiques et transparents, les représentants du Parlement européen durant ces négociations opaques vont devoir s’assurer que les avancées pour la protection du droit fondamental à la vie privée des citoyens soient maintenues, quand bien même cela reviendrait à repousser l’adoption du Règlement. Mieux vaut arriver à une vraie protection de la vie privée des citoyens européens à la fin d’un long processus, qu’à un texte faible et dangereux avant les prochaines élections européennes. Le Parlement devra ainsi saisir l’occasion d’un vote en session plénière pour faire disparaître les failles ouvertes lors du vote d’aujourd’hui.

« Même si certains progrès ont été réalisés pour la protection de la vie privée lors du vote d’aujourd’hui, d’importantes failles pourraient rendre le Règlement dans son ensemble inefficace. De plus, le regrettable choix de la commission LIBE de démarrer des négociations tripartites à huis-clos risque d’affaiblir significativement le Règlement. Les représentants du Parlement européen devront veiller à ce que le droit fondamental des citoyens à la vie privée soit réellement protégé tout au long des négociations. » déclare Miriam Artino, analyste politique pour La Quadrature du Net.

References

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1 Cet amendement de compromis pourrait faire de l’exception au nom de « l’intérêt légitime » la base légale du traitement des données, privant les citoyens de tout contrôle (tel que le consentement explicite) sur la manière dont sont traitées leurs données personnelles.
2 Cet amendement de compromis pourrait rendre nulles toutes les protections contre le profilage réalisé à partir de données « pseudonymisées ». Mais même « pseudonymisées » des données peuvent toujours être facilement rattachées à la personne concernée à l’occasion d’un autre traitement. Ainsi, tout profilage réalisé à partir de telles données doit l’être sous le contrôle des personnes concernées.