Sécurité Globale : la droite appelle à la reconnaissance faciale

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Demain 3 mars, la commission des lois du Sénat examinera la loi Sécurité Globale, déjà adoptée en novembre par l’Assemblée nationale (relire notre réaction). Alors que le texte était déjà largement contraire à la Constitution et au droit européen (relire notre analyse), les sénateurs et sénatrices de droite et du centre souhaitent s’enfoncer encore plus loin dans l’autoritarisme en officialisant un système jusqu’alors implicite dans la loi : instaurer un vaste régime de reconnaissance faciale.

Dans le cadre du vote de la loi Sécurité globale, 68 sénateurs et sénatrices proposent d’inscrire la reconnaissance faciale au livre VIII du code de la sécurité intérieure qui, créé en 2015 par la loi renseignement, avait autorisé la surveillance de masse des communications électroniques (voir notre analyse). Cette surveillance de masse s’étendrait désormais à nos rues : tous les visages filmés par les 75 000 caméras de vidéosurveillance françaises pourraient être analysés sur simple autorisation du Premier ministre, afin de retrouver des personnes recherchées pour terrorisme. Cette apparente limitation aux menaces terroristes ne doit rassurer personne : la police et les services de renseignement qualifient seuls ce qui relève du terrorisme, sans le contrôle préalable d’un juge, ce qui permet déjà de viser des militants politiques (relire notre analyse concernant la censure des mouvements sociaux). Surtout, qu’elle soit soupçonnée ou non de terrorisme, l’ensemble de la population aurait son visage analysé, soumis à un contrôle d’identité invisible et permanent.

Un second amendement, signé par 19 sénateurs, propose déjà d’étendre ce système au-delà des seules menaces terroristes afin d’identifier toutes les personnes fichées dans le FAED (fichier automatisé des empreintes digitales – qui recueille aussi des photos de face des « relevés de signalétiques ») et le fichier des personnes recherchées, pour n’importe quelle finalité.

Ces initiatives n’ont rien de bien nouveau (c’est un classique de la droite la plus dure) et il faut espérer que ces amendements ne survivent pas bien longtemps tant ils sont liberticides et contraires à la Constitution et au droit européen (les signataires de ces amendements ignorent manifestement l’exigence de « nécessité absolue » requise par la directive 2016/680 en matière de biométrie). Hélas, peu importe que ces amendement perdurent ou non, car l’important soutien qu’ils ont reçu suffit à établir un terrible rapport de force : alors que, depuis plusieurs mois, une large partie de la population dénonce le risque que la vidéosurveillance et les caméras-piétons n’aboutissent à un système de reconnaissance faciale généralisée, Les Républicains (et leurs alliés centristes) tentent de s’approprier ce thème autoritaire pour en faire leur horizon politique immédiat.

En contraste, cette offensive autoritaire spectaculaire permet aux rapporteurs du texte, MM. Hervé et Daubresse, de se donner des airs de modérés à peu de frais. Ainsi leurs amendements sur les drones, les caméras-piétons et l’extension de la vidéosurveillance valident les objectifs répressifs de Gérald Darmanin en les saupoudrant de « garde-fous » de façade qui ne changent rien aux critiques politiques et juridiques si nombreuses à faire contre ce texte.

Dans ces conditions, difficile d’espérer un débat législatif capable de prendre en compte nos libertés. Comme trop souvent, il faudra très certainement se tourner vers le Conseil constitutionnel ou d’autres juridictions pour espérer cela, ou rejoindre le niveau européen par la pétition en cours contre la biométrie policière. En attendant, on peut saluer les amendements de la gauche qui, en minorité, propose de retirer l’autorisation des drones et de suspendre pendant 2 ans tous les dispositifs d’analyse biométrique automatisée.

Nous nous retrouverons demain dans la matinée pour suivre et commenter le vote du texte en commission. Comme pour souligner l’ampleur de l’offensive sécuritaire que nous subissons actuellement, ce vote sera suivi par l’audition de Gérald Darmanin, de Marlène Shiappa et d’Éric Dupond-Moretti sur la loi « séparatisme » – l’autre grande loi autoritaire qui vise, entre autres choses, à renforcer les pouvoirs du gouvernement pour dissoudre et entraver les associations militantes (voir notre position).