Les organisations citoyennes condamnent la proposition de loi sur la surveillance de masse

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Lettre ouverte signée par des associations citoyennes du monde entier contre la proposition de loi française relative à la surveillance internationale.


Mesdames, Messieurs les députés,

Les organisations de défense des droits civiques signataires de la présente lettre appellent les parlementaires français à rejeter la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Cette proposition met en péril le droit à la vie privée des individus à travers le monde.

Avec cette nouvelle proposition de loi, l’Assemblée Nationale est sur le point d’adopter de nouvelles mesures disproportionnées de surveillance des communications internationales. Basée sur le principe de collecte massive des données, la proposition de loi vise à légitimer les pratiques contraires aux droits civils et humains mises en place par les services de renseignement, et notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni telles que révélées par Edward Snowden. Dans la mesure où une grande partie du trafic Internet mondial transite à travers les câbles sous-marins français, cette loi intégrerait la France dans le système de surveillance mondial.

Cette proposition s’ajoute à celle sur le renseignement adoptée en juin 2015 qui autorise, entre autres, le Gouvernement à surveiller sans autorisation judiciaire les conversations téléphoniques et électroniques des usagers. La loi sur le renseignement autorise également l’installation de boites noires sur les infrastructures des fournisseurs d’accès à Internet afin de collecter massivement les méta-données de millions de personnes innocentes. En juillet, le Conseil constitutionnel avait censuré une mesure sur la surveillance internationale faisant partie de cette loi, et la nouvelle proposition cherche à réintégrer le programme de surveillance internationale. Cette proposition doit être votée le 1er octobre par l’Assemblée nationale.

Nous sommes particulièrement inquiets des éléments suivants :

  • la proposition permettrait une surveillance de masse de millions de personnes en France et à l’étranger;
  • les mécanismes de contrôle sont insuffisants et manquent d’indépendance. La collecte massive de données sera conduite sous la seule autorité du Premier ministre, avec un contrôle uniquement a prosteriori par l’autorité de contrôle (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, CNCTR). Ces mesures ne permettent pas de garantir la protection de la vie privée et le respect des droits et libertés;
  • la période prévue pour la conservation des données est injustifiée, excessive (un an pour le contenu, six ans pour les méta-données et huit ans pour les communications chiffrées) et en contradiction avec les principes posés par la Cour de Justice de l’Union européenne dans son arrêt du 8 avril 2014 invalidant la directive européenne sur la conservation des données;
  • la finalité des mesures est beaucoup trop large, comme par exemple « les intérêts essentiels de la politique étrangère » et « les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France »;
  • les termes flous laissent la possibilité d’utiliser de nouvelles technologies de surveillance qui auraient pour conséquence une extension du champ d’application de la proposition de loi sans la participation démocratique des institutions;
  • seuls les avocats, journalistes, parlementaires et magistrats établis en France pourront théoriquement bénéficier d’une forme de protection, bien que la nature privée ou professionnelle de leur communication ne pourra être établie qu’après le traitement des données. De plus, la loi ne les protège pas d’une collecte massive et d’une exploitation de leurs communications.

Nous appelons ainsi le Parlement français à rejeter cette proposition de loi sur la surveillance internationale afin de protéger les droits fondamentaux de toute personne dans le monde. Le principe d’universalité des droits est un principe fondamental, en particulier au sein de l’Union européenne. Nous vous appelons à renforcer les garde-fous en faveur des libertés et droits fondamentaux, en rejetant cette proposition.

Merci.

Signataires :

Access
Alternative Informatics Association
Amnesty International
AKVorrat.at (Working Group on Data Retention Austria)
Article 19
Association for Progressive Communications
Australian Privacy Foundation
Bits of Freedom
Center for Democracy & Technology
Code Red
Chaos Computer Club (CCC)
CPJ (Committee to Protect Journalists)
Digitale Gesellschaft e. V.
Digital Rights Foundation
EFF
Electronic Frontier Finland
European Digital Rights (EDRi)
FIDH
FITuG
Global Voices AdVox
International Modern Media Institute IMMI
Initiative für Netzfreiheit
IT-Political Association
OpenMedia.org
Panoptykon Foundation
Pen International
Privacy International
Reporters sans frontières (Reporter Without Borders)
Vrijschrift
World Wide Web Foundation
Xnet