[LeMondeDiplomatique] Feu vert à la surveillance de masse

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[…] Le 19 mars, le projet de loi [sur le renseignement] est finalement adopté en Conseil des ministres. M. Valls déploie une stratégie de communication parfaitement huilée afin de gérer le paradoxe suivant : d’une part, le texte ne doit rien changer aux pratiques qui placent la France « en première division » [dans le domaine du renseignement technique] ; de l’autre, on continue de soutenir publiquement que l’Etat se limite à de la « surveillance ciblée ». Face à ceux qui établissent un lien entre les pratiques autorisées dans le projet de loi et celles mises en lumière par M. Snowden, le premier ministre affirme qu’« il n’y aura aucune surveillance de masse des citoyens » et soutient même que « le projet de loi l’interdit ».

Pourtant, les parallèles abondent entre cette loi — dont le gouvernement admet qu’elle vise à légaliser les techniques existantes — et les pratiques en vigueur aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Plusieurs dispositions-clés du texte paraissent contraires à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le « droit au respect de la vie privée et familiale ». Elles exposent la France à des recours devant la CEDH, pour peu que le texte actuel ne soit pas invalidé par le Conseil constitutionnel. […]

Enfin, l’éventail des missions de renseignement autorisant la mise en œuvre de ces techniques de surveillance s’élargit sensiblement : outre la prévention du terrorisme et de la criminalité organisée, il inclut notamment l’espionnage pour le compte des grands groupes industriels français, la conduite d’opérations en matière de cybersécurité, ainsi que la prévention des « atteintes à la forme républicaine des institutions » ou encore des « violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ». Or on connaît l’imagination dont font preuve certains policiers et procureurs dans l’interprétation de la notion de « terrorisme » — ce dont témoigne par exemple le renvoi devant le tribunal correctionnel de trois militants du groupe dit « de Tarnac » décidé début mai par le parquet antiterroriste de Paris. Ces nouvelles catégories laissent donc craindre une banalisation de la surveillance policière des mouvements sociaux, avec à la clé de nouveaux reculs des libertés d’expression et d’association. […]

http://www.monde-diplomatique.fr/2015/06/TREGUER/53056