Les eurodéputés doivent soutenir le rapport Reda sur la réforme du droit d’auteur !

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Lettre ouverte de la Quadrature du Net aux députés de la commission JURI du Parlement européen en soutien au rapport Reda sur la réforme du droit d’auteur.

Paris, 16 mars 2015 — Les 23 et 24 mars prochains, vous allez examiner les propositions d’amendements au rapport de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme de la directive sur le droit d’auteur. Plus de 500 amendements ont été déposés, dont la très grande majorité aboutiraient à le vider de sa substance. Il répond pourtant aux aspirations exprimées par de nombreux citoyens souhaitant pouvoir accéder à et partager plus largement la culture et la connaissance dans l’environnement numérique. La Quadrature du Net vous appelle, en tant qu’eurodéputé de la commission JURI, à préserver les avancées figurant dans ce rapport, et notamment celles qui vont dans le sens du renforcement des droits positifs des individus sur la culture.

L'eurodéputée Julia Reda
L’eurodéputée Julia Reda

Nous attirons plus particulièrement votre attention sur cinq aspects du rapport Reda incarnant cette volonté de rééquilibrage du droit d’auteur dans le sens des usages :

  • le fait de rendre obligatoire la liste des exceptions figurant dans l’actuelle directive européenne, pour mettre fin aux disparités entre les différentes lois nationales, qui privent trop souvent les citoyens d’un pays des facultés reconnues dans d’autres ;
  • l’introduction de nouvelles exceptions permettant de tirer partie des possibilités ouvertes par le numérique, qu’il s’agisse des nouvelles pratiques créatives (mashup, remix, etc.), de l’exploration de texte et de données pour les chercheurs, du prêt de livres numériques en bibliothèque ou de la liberté de panorama ;
  • la reconnaissance et la protection du domaine public, dont l’existence est la garantie que le patrimoine culturel européen reste un vivier dans lequel les artistes pourront puiser librement pour créer à leur tour ;
  • la préservation de la faculté de faire des liens hypertexte, condition essentielle au fonctionnement du Web et garantie d’un droit à la référence dans l’environnement numérique ;
  • l’affirmation que ces droits d’usage positifs reconnus au bénéfice des individus ne doivent pas être entravés par des mesures techniques de protection et que l’interopérabilité doit être préservée dans toutes les hypothèses.

Le rapport Reda fait l’objet depuis plusieurs semaines d’une intense campagne d’opposition, orchestrée la fois par des sociétés d’auteurs et les représentants des différentes filières des industries culturelles. Il a été martelé que les mesures proposées par ce texte conduiraient à « détruire le droit d’auteur » ou à priver les auteurs de la possibilité de tirer un revenu de leurs créations. Ces affirmations sont totalement infondées et cachent mal une dérive maximaliste de ces structures qui remettent aujourd’hui ouvertement en cause le principe même des exceptions, comme élément d’équilibrage entre les intérêts des titulaires de droits et ceux du public. Sur un strict point de vue économique, aucune preuve n’a été apportée que ces propositions pourraient menacer les possibilités d’exploitation des œuvres et les revenus des créateurs, pas plus qu’elles n’auraient pour effet de renforcer la position de grands intermédiaires techniques, comme les GAFA.

Le rapport Reda, tel qu’il vous a été présenté, constitue déjà un texte modéré, par rapport à d’autres propositions de réforme du droit d’auteur. Il est aussi la synthèse logique des aspirations exprimées très largement par des milliers de citoyens européens lors de la consultation lancée par la Commission européenne l’an dernier. Il n’est plus acceptable que persiste aujourd’hui un tel déficit d’harmonisation des législations en Europe, aboutissant à ce que certaines œuvres soient dans le domaine public dans certains pays de l’Union et d’autres non, que l’usage des technologies innovantes soient réservé aux chercheurs de certaines nationalités ou que la possibilité d’utiliser l’image d’œuvres situées dans les espaces publics varie selon les frontières. La justification de cette non-harmonisation par la défense de la diversité culturelle, prise dans de nombreux amendements, cache mal le travail de lobbying intense d’industries culturelles coupées des besoins des citoyens. C’est votre mission d’eurodéputé d’entendre ces revendications d’harmonisation par le haut et de contribuer à les traduire dans la législation européenne.

Comment peut-on taxer d’« extrémisme » de telles propositions, alors qu’elles recoupent très largement celles d’un rapport de la rapporteure spéciale Farida Shaheed remis en janvier dernier à la commission des Droits de l’Homme de l’ONU, appelant les nations à agir par le biais des exceptions au droit d’auteur pour développer le droit à participer activement à la vie culturelle et celui d’accéder à la connaissance ?

Pour ces raisons, la Quadrature du Net vous engage à préserver les dispositions essentielles du rapport Reda en rejetant les amendements visant à édulcorer ou dénaturer le texte. C’est la condition pour qu’un signal fort soit envoyé à la Commission européenne, afin que l’évolution du droit d’auteur cesse de se faire à sens unique et rejoigne les aspirations d’une grande partie des citoyens européens.

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