Le projet de loi « Terrorisme », symbole de la déliquescence politique ?

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Tribune d’Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net

À la veille du vote du projet de loi contre le terrorisme de Bernard Cazeneuve, dans un contexte de grave crise politique, les députés tardent à s’engager publiquement sur cette attaque frontale contre les droits fondamentaux et Internet. Il est plus que jamais nécessaire de rappeler aux parlementaires que la lutte contre le terrorisme ne peut pas servir à cautionner des atteintes nettes contre les libertés fondamentales.

Le projet de loi de lutte contre le terrorisme va être discuté à l’Assemblée nationale à partir de lundi après-midi, en procédure d’urgence (une seule lecture par chaque chambre). Dans l’indifférence politique la plus totale et par des mesures disparates, de nombreux points centraux de nos libertés d’information, d’expression, de circulation vont être dégradés.

Nous assistons à un spectacle politique désolant, où Internet et de façon plus générale les libertés individuelles sont rendues responsables d’une augmentation de l’attirance vers les idées radicales et restreints comme tels.

Ce projet de loi est porté par ceux-là même qui s’opposaient aux lois sécuritaires de l’époque de Nicolas Sarkozy. Englué dans des scandales moraux, fiscaux et politiques à répétition et une déprime économique et sociale générale, le gouvernement cherche à rassurer la population par une loi d’affichage, de communication politique, aux mesures inefficaces ou dangereuses.

Utilisant l’émotion et la peur, ce projet de loi installe des mesures qui attaquent le pacte républicain, la séparation des pouvoirs et l’État de droit. Loin de ramener calme et confiance dans la population et la classe politique, ce type de procédé ne fait que concourir à la crise de confiance majeure qui se joue aujourd’hui en France. Si le gouvernement défend son projet en garantissant une application mesurée des restrictions aux libertés, nous savons qu’une fois la loi mise en œuvre plus personne ne contrôlera son application en réalité.

Lutter contre le terrorisme est indispensable, mais cette cause ne doit pas céder aux objectifs des terroristes : attaquer nos libertés et l’État de droit, c’est justement faire le jeu des terroristes, de leur programme de terreur. Défendre nos valeurs coûte que coûte, développer des réponses fortes sur le fond et irréprochables sur la forme, porter des contre-discours, restaurer l’envie de démocratie : c’est sur cela que le gouvernement devrait travailler, plutôt que de faire voter des lois qui rendent Internet et les libertés individuelles responsables de la poussée radicale.

L’opposition à ce projet de loi est massive, chez les citoyens, chez les défenseurs des libertés, des droits de l’homme, de la presse, chez les connaisseurs d’Internet jusqu’au plus près du gouvernement. Ce serait l’honneur de nos représentants nationaux que de s’opposer à cette instrumentalisation de la peur en défendant nos acquis démocratiques.

Quatre jours de débat parlementaire sont prévus la semaine prochaine, encadrant le vote de confiance au gouvernement. En cette rentrée politique agitée, les parlementaires engageront leur crédibilité sur leur gestion de nos droits fondamentaux. Les citoyens-électeurs seront aux premières loges.