[Scinfolex] Le « SOPA à la française » est déjà en marche, sans attendre la loi sur la Création

Posted on


Cette semaine, la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti a fait des déclarations sur France Culture, lors de l’émission Les Matins d’été, qui apportent des informations supplémentaires sur les intentions du gouvernement concernant la réorientation de la lutte contre la contrefaçon. Ces déclarations sont inquiétantes, car elles laissent entrevoir qu’alors même que la loi sur la création semble repoussée en 2015, les travaux pour mettre en place un « SOPA à la française » sont déjà en cours. […]

Pendant la préparation du rapport Imbert-Quaretta, on avait déjà appris que les régies publicitaires avaient été approchées pour sonder leurs dispositions à entrer dans de telles ententes contractuelles. Le Syndicat des Régies Internet s’était dit prêt à lutter contre le piratage, mais à condition que le juge reste dans la boucle : « Si demain on nous dit qu’il faut exclure tel ou tel site web, c’est possible mais cela ne peut venir que d’une autorité compétente et sur décision du juge. »

On imagine que le « travail » avec les intermédiaires auquel Aurélie Filippetti faisait allusion cette semaine pour « les responsabiliser par rapport à l’orientation qu’ils font vers les sites de contrefaçon commerciale » consiste à présent à faire sauter ce verrou psychologique pour les pousser à agir sans intervention d’un juge. Le projet de loi sur le terrorisme, et bien d’autres avant lui, attestent que le gouvernement a érigé le contournement des juges au rang de principe général de la « régulation » d’Internet. En matière de droit d’auteur, il peut arriver à ses fins sans même passer par une loi et c’est sans doute le but qu’il recherche. […]

SOPA et ACTA ont pu être arrêtés parce que des représentants élus pouvaient le faire à un moment donné. Comment arrêter ce qui est en marche à présent, alors que tout risque de se jouer dans l’ombre au niveau contractuel ? Faudra-t-il aller devant les tribunaux, avec l’aléa que cela comporte ? La menace en tous cas est redoutable : elle se présentera comme de la « soft law », mais cette étape marquera un tournant important : celui où les citoyens et les parlementaires auront été expulsés en dehors du processus de décision concernant l’application du droit d’auteur sur Internet.

Le « SOPA à la française » est déjà en marche, sans attendre la loi sur la Création (mise à jour)