HADOPI 2 – Lettre aux députés et note d’information

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La Quadrature du Net a envoyé une lettre et une note d’information aux députés qui se prononceront dès ce mardi 21 juillet 2009 sur le projet de loi HADOPI 2 (« projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet »)
L’initiative citoyenne invite par ailleurs tous les députés à rejeter ce texte.

Madame le Députée, Monsieur le Député,

Dans les prochains jours, vous aurez à examiner en procédure accélérée le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, dite « HADOPI 2 ». Censé tenir compte de la censure de la loi « Création et Internet » prononcée le 10 juin dernier par le Conseil constitutionnel, ce nouveau texte vise à parachever le mécanisme dit de « riposte graduée » afin de lutter contre le partage d’œuvres culturelles sur Internet.

Depuis le début du débat parlementaire sur ce projet, la Quadrature du Net n’a eu de cesse de vous avertir des dangers qu’un tel dispositif fait peser sur les libertés individuelles. La décision du Conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé ces analyses, en rappelant notamment que, « en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, [le droit à la libre communication des pensées et des opinions] implique la liberté d’accéder à ces services ». Compte tenu de ce rôle essentiel qu’Internet joue désormais dans nos sociétés, les juges constitutionnels ont en effet estimé que les principes fondamentaux que sont le droit au procès équitable et la présomption d’innocence ne pouvaient être mis en cause dans le simple but de faire respecter le droit d’auteur.

Pourtant, le projet qui vous est aujourd’hui soumis ne permet pas de répondre à ces objections fondamentales. Malgré l’examen en Commission des Affaires culturelles, l’essentiel des remontrances du Conseil sont ignorées. Tout d’abord, la nouvelle peine complémentaire de suspension de l’accès internet (article 3 bis) étant privative de la liberté d’expression et de communication, il semble largement disproportionné de lui conférer un niveau contraventionnel (article 3 bis). Et ce d’autant plus qu’une telle sanction pourra être prononcée dans le cadre d’une procédure simplifiée irrespectueuse des droits de la défense. En second lieu, l’élargissement du jugement par voie d’ordonnance pénale aux infractions au droit d’auteur revient de fait à instaurer une présomption de culpabilité contraire aux exigences explicitement formulées par le Conseil dans sa décision du 10 juin.

Par ailleurs, nous prenons acte des déclarations du ministre de la Culture et du rapporteur du projet de loi de clore le débat sur la riposte graduée pour désormais tenter d’améliorer la rémunération des œuvres culturelles sur Internet. Il ne faut cependant pas s’y tromper, ces deux aspects sont indissociablement liés. En effet, tout nouveau mécanisme de financement de la création sur les réseaux devra s’accompagner de nouveaux droits pour le public. Or, la logique répressive de ce texte est en totale contradiction avec de telles avancées.

Aussi, nous vous appelons à vous opposer à l’entêtement du gouvernement en rejetant ce projet de loi. S’il devait être définitivement approuvé par le Parlement, ce texte le serait au mépris des libertés fondamentales et du Conseil constitutionnel, qui en est le garant.

Restant à votre disposition, nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de notre considération distinguée.

Philippe Aigrain, Benjamin Sonntag, Gérald Sédrati-Dinet et Jérémie Zimmermann, co-fondateurs de la Quadrature du Net.