Quand l’industrie du disque instrumentalise la pédopornographie

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On savait déjà que l’industrie du disque n’hésite pas à réclamer l’extension de mesures d’exception prises pour lutter contre le terrorisme, et ce afin de pouvoir mettre en oeuvre la riposte graduée.(*) Mais cette semaine les producteurs ont montré que décidémment rien ne les arrête quand il s’agit d’obtenir des pouvoirs d’exception. Ils n’ont pas hésité à s’immiscer dans le débat sur le filtrage administratif des contenus pédopornographiques pour signaler que leur industrie souhaiterait en profiter.

Interrogé par PcINpact, le directeur général de la SPPF, Jérome Roger, qui représente les producteurs indépendants français, a déclaré : « les problématiques de l’industrie musicale ne sont pas éloignées de ces autres préoccupations [la pédophilie] qui peuvent paraitre évidemment beaucoup plus graves et urgentes à traiter. Bien évidemment, les solutions de filtrage qui pourraient être déployées à cette occasion devraient faire l’objet d’une réflexion à l’égard des contenus, dans le cadre de la propriété intellectuelle ».

Qu’est ce à dire ? N’est-il pas évident que la pédophilie est un problème beaucoup plus grave et plus urgent à traiter que les demandes des producteurs ? Ou bien l’échange d’images pédopornographiques et l’échange de musique sur internet seraient-ils des activités du même ordre pouvant être combattus avec les mêmes moyens ?

La réponse à ces questions a été donnée à PcInpact le lendemain par Hervé Rony, directeur général du SNEP, le syndicat des majors : « Moi, la question de la pédophilie un, ne m’étonne pas et deux, m’intéresse forcément parce qu’il va bien falloir que Free nous explique que, si c’est possible pour la pédophilie, c’est peut être possible pour des contenus illégaux de musique même si je ne mets pas les deux choses en rapport ! », et de conclure « Il n’est pas nécessaire d’aller chercher le juge tout le temps ».

Pour mémoire, le projet de loi Olivennes, qui doit être présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres, prévoit qu’une autorité administrative indépendante puisse ordonner le filtrage et la coupure d’accès internet en lieu et place de l’autorité judiciaire. Cette disposition a évidemment essuyé de vives critiques : seule l’autorité judiciaire peut actuellement ordonner une mesure privative de liberté comme le filtrage ou la coupure d’accès.

Le ministère de l’intérieur envisage aussi l’évacuation de l’autorité judiciaire en matière de filtrage mais uniquement de sites étrangers et lorsque des contenus pédopornographiques sont concernés, comme l’a souligné la ministre de l’intérieur dans un discours le 10 juin, ajoutant «  Il n’a jamais été question de bloquer ou de filtrer tous les sites ; je suis très attachée à cette liberté fondamentale qu’est l’accès à Internet. ». A bon entendeur

La SPPF et le SNEP ont donc une nouvelle fois démontré qu’ils considèrent que les mesures d’exception permettant de lutter contre des atteintes aux personnes parmi les plus réprimées du code pénal devraient être utilisées pour défendre leurs interêts financiers.
Leur sortie de cette semaine confirme, s’il était encore besoin, que leur projet est extrémiste.
Tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins, y compris les propos et mesures les plus radicales.


(*) Le projet de loi Olivennes autorise aussi des agents administratifs à accéder aux données de connexion des internautes sans contrôle de l’autorité judicaire. Actuellement, seuls les services anti-terroristes disposent de ce pouvoir d’exception obtenu à titre temporaire (la mesure doit être prolongée par le Parlement à la fin de l’année).

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