Répression numérique : l’industrie du disque demande l’impossible

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Paris le 30 avril 2008. Hier, Hervé Rony, porte-parole du SNEP, le syndicat du disque, a déclaré qu’« il ne serait pas acceptable » que la « riposte graduée » ne soit pas examinée avant l’été, et que si la loi Olivennes instaurant ce dispositif était votée avant fin juillet, ce « serait un peu tard ».[1]

La Quadrature du Net rappelle au gouvernement et au SNEP qu’on ne légifère pas à la va-vite sur des sujets aussi importants que la régulation des libertés publiques sur le net et le développement de l’économie numérique… et que « les caisses sont vides ».

Précisément, la loi Olivennes, par laquelle des familles et des entreprises seraient bannies d’internet sans procès, a été jugée contraire aux droits de l’Homme par le Parlement Européen.[2] Les eurodéputés des pays classés dans le top 10 des nations les mieux adaptées à l’économie numérique, selon le World Economic Forum (Danemark, Suède, Finlande, Hollande), l’ont condamné explicitement, les trois premiers à plus de 80%.[3]

Et le SNEP prétend qu’il est urgent de faire examiner ce texte par le Sénat à quelques semaines de la présidence française de l’Union Européenne, et alors que la France se traîne à la 21ème place du classement World Economic Forum  ?[4]

Créer une coûteuse 43ème autorité administrative chargée d’envoyer « des dizaines de milliers » de lettres de menaces, et de couper arbitrairement on ne sait combien d’accès internet, est aberrant. Les déficits publics sont au plus bas et on peut franchement douter que les consommateurs ainsi sanctionnés relancent la croissance par leurs achats de disques (surtout qu’ils devront continuer à payer leur fournisseur d’accès pendant leur bannissement).

« Les ventes de disques chutent car les Français doivent faire des choix, vu leur pouvoir d’achat. Que les producteurs nient cette réalité ne doit pas conduire à l’adoption d’un texte extrémiste qui entravera la croissance, comme la commission Attali l’a relevé.[5] » résume Christophe Espern, porte-parole de la Quadrature du Net, ajoutant « Les caisses ne peuvent pas être vides pour tous à l’exception de l’industrie du disque, surtout quand elle exige des mesures aussi absurdes !»

La Quadrature du Net appelle donc François Fillon à ne pas céder aux pressions d’industriels nombrilistes dépassés par la marche du progrès. À défaut, il est sûr que comme le craint Hervé Rony, « la discussion au Parlement va être difficile ».


À propos de la Quadrature du Net

La Quadrature du Net est un collectif de citoyens français qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés publiques et le développement économique et social à l’ère du numérique.

La Quadrature du Net sensibilise les citoyens, les pouvoirs publics, les associations, les entreprises sur ces menaces. Elle travaille sans exclusive à l’élaboration de solutions alternatives équilibrées.

La Quadrature du Net est soutenue par des organisations françaises, européennes et internationales, dont l’Electronic Frontier Foundation, l’Open Society Institute et Privacy International.

Liste des soutiens : http://www.laquadrature.net/fr/ils-soutiennent-la-quadrature-du-net


Références

[1] Dépéche AFP, 29/04/2008, reprise en partie sur Challenges

http://www.challenges.fr/actualites/business/20080429.CHA0955/piratage__les_producteurs_de_disques_simpatientent.html

[2] Le Parlement Européen rejete la riposte graduée

http://www.laquadrature.net/fr/le-parlement-europeen-rejette-la-riposte-graduee

[3] Économie numérique : la tête ou la queue ?

http://www.laquadrature.net/fr/la-tete-ou-la-queue

[4] Global Information Technology Report 2007-08, World Economic Forum / INSEAD

http://www.insead.edu/v1/gitr/wef/main/analysis/showcountrydetails.cfm

[5] Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française (page 62)

http://www.liberationdelacroissance.fr/files/rapports/rapportCLCF.pdf

« La mise en place de mécanismes de contrôle des usages individuels (filtrages généraux, dispositifs de surveillance des échanges) constituerait un frein majeur à la croissance dans ce secteur clé [le numérique]. Même sous le contrôle d’une autorité indépendante ou d’un juge, ces mécanismes introduiraient une surveillance de nature à porter atteinte au respect de la vie privée et aux libertés individuelles, tout à fait contraire aux exigences de la création et à la nature réelle de l’économie numérique. »