Piratage et régies publicitaires : non aux listes noires et à la régulation extra-judiciaire !

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Paris, le 13 janvier 2015 — Le ministère de la Culture annonce depuis le 2 janvier un nouveau train de mesures pour lutter contre les sites illicites permettant l’accès à des œuvres protégées par le droit d’auteur. Dans la lignée du rapport Imbert-Quaretta, la première action passera par une collaboration avec les régies publicitaires par le biais d’une Charte pour tenter d’assécher leurs ressources financières. Or un article paru dans la Tribune lundi montre que les acteurs du secteur de la publicité sont aujourd’hui prêts à agir de manière pro-active pour mettre fin à leurs relations avec des sites figurant sur une liste noire établie sans intervention du juge. Ces procédés traduisent une nouvelle étape dans l’implication des intermédiaires et de leur transformation progressive en une police du droit d’auteur, ainsi que de la volonté de contourner à la fois le juge et le Parlement.

Approchées en février 2014 dans le cadre de la préparation du rapport Imbert-Quaretta, les régies publicitaires s’étaient dites prêtes à coopérer, mais à condition que le juge reste bien présent dans le dispositif. La directrice du Syndicat des Régies Internet déclarait : « Si demain on nous dit qu’il faut exclure tel ou tel site web, c’est possible mais cela ne peut venir que d’une autorité compétente et sur décision du juge ». Cet attachement aux garanties apportées par la justice n’est visiblement plus à l’ordre du jour. Dans l’article de la Tribune, un représentant du secteur publicitaire impliqué dans l’élaboration de la Charte indique que les régies sont prêtes à agir de leur propre chef pour « retirer purement et simplement les publicités sur ces sites ».

Comme l’indique le ministère de la Culture, cette auto-régulation des publicitaires sera articulée avec une liste noire de sites « massivement contrefaisants », qui si l’on en croit les orientations du rapport Imbert-Quaretta, sera établie elle aussi sans intervention du juge, par une autorité administrative qui pourrait être la Hadopi. Or cette catégorie de « sites massivement contrefaisants » est particulièrement floue et ouvre la voie à un arbitraire important. Une fois que les régies publicitaires seront impliquées, rien n’empêchera d’élargir ce type de mesures aux intermédiaires de paiement, aux moteurs de recherche, aux hébergeurs, aux registraires de noms de domaine, etc.

Ces dispositions rappellent très fortement les principes de fonctionnement de la loi SOPA aux États-Unis ou de l’accord ACTA. Il s’agit à nouveau d’impliquer des intermédiaires dans la mise en œuvre du droit d’auteur, cette fois par une coopération volontaire et non plus par la contrainte de la loi et du juge. Mais en contournant à la fois le Parlement et la Justice, cette nouvelle stratégie renforce encore l’opacité du système et fragilise les garanties des droits fondamentaux.

Les sites ici visés par ces mesures seront principalement des plateformes centralisées de streaming ou de Direct Download ou des acteurs type T411, se livrant à des activités de contrefaçon commerciale. La Quadrature du Net rappelle qu’elle ne soutient pas ces formes d’accès aux œuvres, mais réaffirme que le meilleur moyen d’assécher les revenus de ces sites sans porter atteinte aux droits fondamentaux consiste à légaliser le partage non marchand entre individus pour revenir à des formes d’échanges décentralisés.

« En refusant d’approfondir la réflexion sur le partage non-marchand, comme l’y invitait pourtant le rapport Lescure, le ministère de la Culture s’est enfermé dans une lutte contre la contrefaçon commerciale qui révèle aujourd’hui sa dangerosité. L’acte II de l’exception culturelle se terminera en contournement du juge et du législateur, avec une fragilisation de la garantie des droits », déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d’Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.