Paquet télécom : pourquoi le Parlement Européen doit se battre pour l’amendement 138

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Le lundi 28 septembre, le comité de conciliation sur le paquet télécom – une réforme majeure du secteur des télécommunications dans l’Union Européenne (UE) – a commencé à discuter des dispositions controversées qui restent dans le texte. Début mai, les rapporteurs du Parlement Européen et les diplomates du Conseil de l’UE ont atteint un consensus sur l’ensemble du paquet, mais un élément a été finalement passé par le Parlement : le célèbre amendement 138. Cette disposition fondamentale est maintenant au cœur des négociations.

Début mai, le consensus entre le Parlement et le Conseil sur cette partie spécifique du texte – surnommée « faux 138 » était rédigé comme suit :

“Measures taken regarding end-users’ access to or use of services and applications through electronic communications networks shall respect the fundamental rights and freedoms of natural persons, including in relation to privacy, freedom of expression and access to information and the right to a judgment by an independent and impartial tribunal established by law and acting in respect of due process in accordance with Article 6 of the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms.”

Ce compromis était particulièrement promu par le gouvernement français, qui était en train d’essayer de passer la loi Hadopi mettant en place la « riposte graduée ». La loi offrait à une autorité administrative le pouvoir de couper la connexion Internet des citoyens suspectés de partager des œuvres culturelles sans permission des ayant-droits. Le gouvernement français était satisfait du compromis offert par ce « faux 138 » car HADOPI « respectait » le droit à une application régulière de la loi par une autorité judiciaire, mais après l’application de la peine (dans le projet français, on ne pouvait faire appel à une autorité judiciaire qu’après l’entrée en vigueur de la décision de l’autorité administrative. Il s’agissait d’un appel non suspensif).

Inversement, les eurodéputés ont rejeté le compromis et adopté l’amendement 138 une seconde fois, ce qui garantissait :

« le principe selon lequel aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne concernant la liberté d’expression et d’information, sauf lorsque la sécurité publique est menacée, auquel cas la décision peut intervenir ultérieurement. »

L’accent est mis, dans cet amendement, sur l’adjectif « préalable ». Il signifie que tout restriction à l’accès Internet a de telles répercussions sur l’exercice convenable des droits fondamentaux que seule une décision judiciaire préalable peut garantir les vérification et un équilibre adéquats.

Ce point de vue a été confirmé un mois plus tard par le Conseil Constitutionnel français, qui a annulé tout pouvoir de sanction dans la loi Hadopi :

« Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :  » La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi  » ; qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services. […] que, toutefois, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivik »

Par là même, l’accès à Internet est désormé clairement défini comme un instrument de la liberté d’expression et de communication. En tant que tel, dans un pays qui obéit à la Loi, toute restriction à l’accès Internet tombe sous le coup d’une procédure judiciaire. En effet, seule l’autorité judiciaire peut garantir que les droits et libertés du suspect – en particulier le droit à une application régulière de la loi – seront protégés et que la peine sera proportionnée à l’infraction originale.

Cependant, le « faux 138 » manque manifestement de respect à la Loi. C’est la raison pour laquelle le Parlement européen a rejeté le compromis à la seconde lecture, tout en réaffirmant les droits fondamentaux en votant à nouveau en faveur de l’amendement original. Au fur et à mesure du déroulement de la procédure de conciliation, les négociateurs du Parlement doivent rester fermes. Ils doivent s’assurer que l’importance d’Internet pour la liberté des citoyens est reconnue, et, par conséquent, que l’autorité judiciaire reste le gardien de l’accès libre à cette infrastructure révolutionnaire de communications. Il ne faut pas accepter un « faux 138 ».