[Liberation] Internet : « Un bien collectif à défendre »

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Fondateur et porte-parole de la Quadrature du Net, organisation de défense de la neutralité de l’Internet, Jérémie Zimmermann présente les moyens dont disposent les citoyens pour défendre leurs libertés fondamentales sur Internet.



Quel est le combat de La Quadrature du Net ?

Le combat pour nos libertés individuelles sur Internet se mène tous les jours et ce que nous démontrons avec La Quadrature du Net en proposant de nouveaux modes d’organisation et de nouveaux modes de participation citoyenne, c’est que chacun, à son échelle, peut avoir un impact sur ces questions fondamentales qui sont essentielles pour le futur de nos sociétés. Quand on parle de défendre la neutralité du Net, c’est à la fois défendre la liberté d’expression, la liberté de communication, mais aussi la liberté d’innovation et la libre concurrence.

Concrètement comment s’organise ce combat ?

Concrètement, quelque chose que l’on met en œuvre assez régulièrement, c’est lorsqu’on fait un travail d’analyse sur un projet législatif, sur un processus politique au Parlement européen, dire « Voilà, après-demain, il y a tel vote dans la commission des affaires juridiques, vous devez appeler les eurodéputés pour leur dire que s’ils votent tel ou tel ou tel amendement, ils vont mettre à mal nos libertés fondamentales et qu’au lieu ils feraient mieux d’adopter tel et tel et tel amendement ». De là, on développe, au travers de notre wiki par exemple, des exemples de conversation pour expliquer comment contourner un peu les barrages auxquels on fait face lorsqu’on va appeler le cabinet d’un eurodéputé, par exemple un assistant va dire « Oui, oui on vous rappelle. » En fait, il rappelle pas, donc on dit « il vous rappelle — Merci » Et vous rappelez dans une heure.
On a inventé cet outil qui s’appelle le PiPhone, pi comme le pi de La Quadrature du Net grâce auquel on permet aux citoyens d’appeler les eurodéputés gratuitement.

Est-ce un combat politique ?

Bien sûr, politique au sens noble si j’ose dire, le politique avec un P minuscule du citoyen qui s’intéresse à la vie de la cité plutôt que le P majuscule de l’homme politique dont le métier est d’être réélu. Non non, nous la politique que l’on pratique, elle est transpartisane.

Pourquoi est-il important d’agir maintenant ?

C’est parce que l’heure est grave. C’est parce qu’il y a urgence et qu’on a très peu de temps devant nous. L’Internet libre est peut-être une parenthèse de l’histoire. On est dans un moment où l’on a à faire des choix de société. Et ça je pense que c’est un choix de société qui est absolument essentiel. Est-ce que l’on va vers un modèle de société dans lequel le partage de la connaissance et l’ouverture seront favorisés, seront mis en avant, seront stimulés, ou est-ce que l’on va vers un modèle de société dans lequel le contrôle, la censure la répression seront la norme. La question, c’est : est-ce que demain on veut que ce monde reste un monde dans lequel on a accès à cette potentialité de participation universelle ou est-ce que l’on va laisser quelques entreprises et une partie de la classe politique refermer la boîte, refermer les possibilités que nous avons aujourd’hui entre les mains ? Pour prolonger un petit peu le débat, j’ai l’impression que l’on est en train de faire face à des problèmes cruciaux qui sont des problèmes globaux, qui sont les problèmes de la finance qui s’emballe qui sont les problèmes de l’énergie, qui sont les problèmes de l’environnement. Et je me demande quoi d’autre qu’un outil global de participation universelle, par tous et pour tous, pour régler ces problèmes d’une façon qui représenterait l’intérêt général. Je pense qu’un Internet libre est la seule solution.

L’Internet libre est-il une histoire de jeunes générations ?

C’est pas une question générationnelle, mais on voit les mêmes motifs se dessiner encore et encore, sur tous les sujets sur lesquels on agit, où quelques acteurs au pouvoir, quelques acteurs dominants, quelques acteurs qui la plupart du temps ont leur modèle basé sur le contrôle, voient d’un très mauvais œil ces petits jeunes arriver avec de nouvelles méthodes. Chez la jeune génération, c’est presque la norme d’aller faire du facebook, du google, du msn ou du je-ne-sais-quoi. Et donc, je me demande si c’est pas chez les générations intermédiaires qui ont peut-être connu l’Internet des années 90 que subsiste cette défense forcenée du logiciel libre, de l’autonomisation des individus face à la technologie, de la décentralisation des services face aux géants américains. Je pense qu’on a cette responsabilité de transmettre ça à la génération qui est née avec un bouton like sous le clic.

Plutôt qu’éducation, j’aime parler de partage de la connaissance, parce que c’est ça que je connais, que je vis et que je pratique tous les jours. J’ai l’impression qu’on a là aussi une responsabilité collective sur le partage des connaissances quand il en est du fonctionnement de nos institutions quand il en est de l’apprentissage et de la maitrise des technologies.

C’est quelque part ça La Quadrature du Net, c’est quelque part ça que nous démontrons tous les jours.

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http://www.liberation.fr/evenements-libe/2013/02/03/internet-un-bien-collectif-a-defendre_878966