Le Parlement européen va-t-il sacrifier notre vie privée pour des raisons électorales ?

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Paris, 14 octobre 2013 – Un vote crucial sur la protection de notre vie privée aura lieu ce 21 octobre au sein de la commission « libertés civiles » (LIBE) du Parlement européen. Le futur du règlement européen encadrant l’exploitation de nos données personnelles sera décidé par le vote « d’amendements de compromis »1Les « amendements de compromis » sont un ensemble d’amendements négociés entre les différents groupes politiques en amont du vote d’un texte débattu au sein d’une commission parlementaire. Leur but est de couvrir et de remplacer les amendements déjà déposés auprès de cette commission à cette étape de la procédure, afin de trouver un compromis sur un texte commun et de résoudre les désaccords existant entre les groupes. Si l’équipe de négociation parvient à un compromis, les membres de la commission ne votent que sur ces amendements de compromis, évitant le vote au détail de tous les amendements initialement déposés. Néanmoins, si certains désaccords entre les différents groupes politiques subsistent, les députés peuvent décider, en dernière minute, de ne pas voter les amendements de compromis mais ceux initialement déposés.. Le rapporteur semble vouloir demander un mandat pour négocier le règlement à huis-clos avec les États Membres, coupant court à toute chance de débat public. La Quadrature du Net appelle tous les citoyens à contacter les membres de la commission LIBE pour exiger qu’ils refusent cet alarmant détournement du débat démocratique.


Appelez vos députés !

Le rapporteur Jan Philipp Albrecht (Allemagne – Verts/ALE) pourrait être sur le point de demander aux membres de la commission « libertés civiles » (LIBE) un mandat pour démarrer des négociations inter-institutionnelles (trilogue). Ce mandat serait de facto une autorisation officielle donnée au Parlement européen pour négocier le règlement à huis-clos avec la Commission européenne et les États Membres, réduisant ainsi le débat parlementaire à une seule lecture2Le rapporteur va demander aux membres de la commission LIBE – sur la base de la règle 70 des règles de procédure du Parlement européen – un mandat pour démarrer des négociations inter-institutionnelles, prenant la forme de réunions tripartites à huis-clos entre la Commission européenne, le Conseil (réunissant des ministres des États Membres) et le Parlement européen, généralement destinées à adopter un texte à un stade précoce de la procédure.. Ceci est particulièrement inquiétant dans le contexte des récentes révélations d’Edward Snowden démontrant combien les données personnelles et les communications des citoyens sont en danger face aux pratiques de certains États et puissantes sociétés.

En contexte pré-électoral3Les prochaines élections européennes auront lieu en mai 2014, le principal objectif de l’équipe de négociation4Jan Philipp ALBRECHT (Verts/ALE), Sarah LUDFORD (ALDE), Axel VOSS (EPP), Dimitrios DROUTSAS (S&D), Alexander ALVARO (ALDE), Timothy KIRKHOPE (ECR), Cornelia ERNST (GUE/NGL) semble être de pouvoir prétendre avoir obtenu un règlement offrant des avancées en matière de protection des données, quand bien même c’est actuellement loin d’être le cas. Cette stratégie pourrait même conduire à une aggravation de la situation5Actuellement, les citoyens européens ne peuvent avoir aucune certitude quant à la position du Parlement au sujet de la protection de leurs données. L’importante campagne de lobbying menée par les géants de l’Internet et les 4000 amendements déposés sur ce texte – un record pour le Parlement ! –, rendent particulièrement difficile la compréhension globale de ce que pourraient être le futur règlement et ses potentielles conséquences..

En l’état actuel des choses, autoriser le rapporteur Jan Philipp Albrecht à rechercher un compromis sur un texte final reviendrait à autoriser le Parlement européen et les États Membres à réécrire le règlement en marge du débat citoyen (d’autant que les quatre premières commissions parlementaires se sont prononcées avant les révélations de Snowden). Ce choix permettrait aux députés européens d’éviter la pression d’un dossier aussi bouillant et controversé lors de la campagne et des élections de 2014, mais s’accompagnerait de l’enterrement inacceptable du débat public, pourtant indispensable à la sauvegarde des droits et libertés des citoyens européens.

En refusant d’accorder ce mandat pour mener des négociations à huis-clos, les eurodéputés conserveraient la possibilité d’amender le texte avant sa première lecture en session plénière, puis de l’améliorer lors d’une seconde lecture. Espérer dès maintenant que les amendements de compromis seront acceptables serait ignorer le risque élevé qu’un événement de dernière minute ne conduise à l’adoption du règlement tel que l’exigent les géants de l’Internet : un « open-bar » autorisant la collecte de toutes les données des citoyens européens, sans aucune contrainte.

« Une telle tentative de sacrifier un débat transparent nécessaire à l’élaboration d’un règlement plus efficace pour protéger notre vie privée, pour des raisons purement électorales, fait honte à la démocratie ! Les citoyens ont besoin d’outils juridiques efficaces pour reprendre le contrôle de leurs données personnelles face au comportement prédateur des géants de l’Internet, dont le modèle économique repose sur la collecte des données de tous les utilisateurs, favorisant ainsi le développement d’une surveillance généralisée. L’élaboration de tels outils juridiques au service des citoyens ne peut se faire qu’au travers d’un vrai débat public. » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’association la Quadrature du Net.

Les citoyens doivent contacter les membres de la commission LIBE, et particulièrement le rapporteur Jan Philipp Albrecht, et les inviter à refuser un accord en première lecture avec le Conseil afin de garantir un véritable débat public tout au long de la procédure concernant ce règlement. En tant que plate-forme citoyenne, la Quadrature du Net met à disposition le PiPhone, un outil en ligne permettant d’appeler gratuitement les députés européens.

Agissez !

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1 Les « amendements de compromis » sont un ensemble d’amendements négociés entre les différents groupes politiques en amont du vote d’un texte débattu au sein d’une commission parlementaire. Leur but est de couvrir et de remplacer les amendements déjà déposés auprès de cette commission à cette étape de la procédure, afin de trouver un compromis sur un texte commun et de résoudre les désaccords existant entre les groupes. Si l’équipe de négociation parvient à un compromis, les membres de la commission ne votent que sur ces amendements de compromis, évitant le vote au détail de tous les amendements initialement déposés. Néanmoins, si certains désaccords entre les différents groupes politiques subsistent, les députés peuvent décider, en dernière minute, de ne pas voter les amendements de compromis mais ceux initialement déposés.
2 Le rapporteur va demander aux membres de la commission LIBE – sur la base de la règle 70 des règles de procédure du Parlement européen – un mandat pour démarrer des négociations inter-institutionnelles, prenant la forme de réunions tripartites à huis-clos entre la Commission européenne, le Conseil (réunissant des ministres des États Membres) et le Parlement européen, généralement destinées à adopter un texte à un stade précoce de la procédure.
3 Les prochaines élections européennes auront lieu en mai 2014
4 Jan Philipp ALBRECHT (Verts/ALE), Sarah LUDFORD (ALDE), Axel VOSS (EPP), Dimitrios DROUTSAS (S&D), Alexander ALVARO (ALDE), Timothy KIRKHOPE (ECR), Cornelia ERNST (GUE/NGL)
5 Actuellement, les citoyens européens ne peuvent avoir aucune certitude quant à la position du Parlement au sujet de la protection de leurs données. L’importante campagne de lobbying menée par les géants de l’Internet et les 4000 amendements déposés sur ce texte – un record pour le Parlement ! –, rendent particulièrement difficile la compréhension globale de ce que pourraient être le futur règlement et ses potentielles conséquences.