QSPTAG #291 — 25 août 2023

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Mouchards partout : le contrôle à distance des appareils numériques est légalisé

C’est une pratique de police judiciaire et des services de renseignement : retourner un téléphone contre son utilisateur, pour en faire une balise GPS ou un micro, voire une caméra espion. Une pratique banalisée par les fictions télévisées, qui la présentent à la fois sous l’angle de la prouesse technologique et de la normalité. C’est toujours pour attraper des méchants qui l’ont bien mérité, qui peut donc trouver ça scandaleux ? La réalité est différente.

Dans la réalité, l’Assemblée nationale et le Sénat viennent d’adopter, dans le cadre de la loi Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027, une disposition autorisant la prise de contrôle à distance des objets connectés, pour que la police puisse exploiter leur géolocalisation, leur micro ou leur caméra intégrée.

Pour l’heure, la mise en œuvre de cette prise de contrôle à distance est assortie de conditions restrictives : l’enquête en cours doit par exemple concerner des faits passibles d’au moins 5 ans de prison. Mais c’est justement l’existence de conditions qui doit mettre en alerte. L’histoire est pleine de dispositions dont les conditions d’applications se sont doucement élargies, au gré des événements, pour autoriser les pratiques dans un nombre toujours croissant de cas.

On se souvient par exemple du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), créé pour ficher les auteurs de crimes sexuels graves, et dans lequel se retrouvent aujourd’hui un tiers des Français (à lire ici : https://www.nextinpact.com/article/48209/plus-dun-tiers-francais-sont-fiches-dans-fnaeg). Dans le même ordre d’idées, on se souvient aussi des dispositions de lutte contre le terrorisme, adoptées dans l’urgence après les attentats de novembre 2015, qui ont aussitôt servi à réprimer les manifestations du mouvement écologiste lors de la COP 21 à Paris en décembre 2015.

Dans un contexte politique et social où les mobilisations politiques sont dorénavant traitées par les gouvernements comme des événements « anti-républicains » et « factieux », comment croire une seule seconde que l’accès aux appareils numériques sera toujours réservé aux vrais méchants de la fiction ? Comme le dit l’article : « Il n’y a jamais de retour en arrière ».

Surtout que la qualification pénale, à ce stade des enquêtes, revient aux procureurs, qui pourront user et abuser de leurs pouvoirs pour s’autoriser ces nouveaux pouvoirs d’enquête. Or, l’exemple de l’affaire de Tarnac montre bien que ce qui est présenté comme terroriste par la police ne l’est pas nécessairement pour la justice. En pleine urgence climatique, certaines actions de sabotage menées par des activistes écologistes pourraient déjà tomber sous le coup de ces mesures.

Lire l’article complet du 25 juillet : https://www.laquadrature.net/2023/07/25/lassemblee-adopte-lactivation-a-distance-des-appareils-electroniques/

Réseaux sociaux et boucs émissaires

Dans la bouche des personnalités politiques paresseuses, les réseaux sociaux sont responsables de tous les maux, sauf quand c’est la faute des jeux vidéo. Lors des révoltes urbaines qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, le 27 juin dernier, ça n’a pas raté : juste après avoir doctement affirmé que « certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués », le Président de la République (également sociologue, spécialiste des médias et analyste des comportements de foules), a pointé « celles et ceux qui utilisent ces réseaux sociaux pour appeler au désordre ou exacerber la violence ».

Pour le gouvernement, les émeutiers sont des gamins qui agissent uniquement par imitation et pour cumuler les vues sur TikTok et SnapChat. Belle analyse au doigt mouillé, qui accuse le mécanisme de propagation de la révolte sans interroger son origine sociale dans la profondeur ni dans la durée. On accuse le médium sans lire le message, c’est de l’escamotage politicien dans toute sa splendeur.

Mais au-delà de ce tour de passe-passe affligeant qui cache la démission de toute ambition politique, le gouvernement retombe une fois encore dans les réflexes sécuritaires qui en sont le complément habituel : on parle de censurer en urgence, et à la volée, les contenus qui « appellent à l’émeute », en particulier les vidéos tournées dans les rues. Cette censure administrative est un vieil ennemi de La Quadrature : utilisée à discrétion par la police et le gouvernement, sans décision judiciaire et au gré des errances politiques, elle donne paradoxalement un pouvoir démesuré aux grandes plateformes privées du web, qui appliquent les décisions de censure administrative avec le plus grand zèle et les devancent même volontiers.

Le gouvernement prépare pour cet automne une loi numérique qui devra adapter les mesures du Digital Service Act (DSA) européen. Sera-t-elle l’occasion pour le gouvernement de renforcer les pouvoirs des plateformes ? Ce sera un des grands enjeux de cette rentrée pour La Quadrature, qui soutient toujours l’obligation d’interopérabilité.

Une analyse détaillée de l’actualité et des enjeux à venir, à lire sur notre site.

Lire l’article paru le 28 juillet : https://www.laquadrature.net/2023/07/28/revoltes-et-reseaux-sociaux-le-retour-du-coupable-ideal/

Pourquoi nous n’accueillerons pas Meta dans le fédivers

L’interopérabilité que nous réclamons est en train d’advenir. Le fédivers, basé sur le protocole ActivityPub, a pris une ampleur intéressante dans la dernière année, avec une multiplication des services qui l’utilisent — et peuvent donc tous s’interopérer — et une forte hausse de la fréquentation du réseau Mastodon, provoquée par la déréliction de Twitter sous la direction erratique d’Elon Musk. La fin du monopole de Twitter sur le micro-blogging et le développement de nouvelles formes de réseaux sociaux attirent maintenant les appétits des autres grandes plateformes.

Meta a donc annoncé le lancement de Threads, qui devrait à terme se baser sur ActvityPub pour être interopérable avec le reste du fédivers. Le groupe a même engagé, sous couvert d’un accord de confidentialité, des discussions avec quelques-unes des plus grandes instances de Mastodon. Aussitôt, le débat a pris au sein de la communauté : faut-il ou non accueillir Meta et Threads dans le fédivers ? Notre réponse est non.

L’histoire enseigne que les grandes entreprises privées du web sont toujours intéressées par les technos et les idées qui les concurrencent. Elles commencent par s’en approcher, par s’interconnecter avec elles, puis elles développent de nouvelles fonctions qui redéfinissent le jeu, avant de le refermer en absorbant tout le monde. Pour fonctionner de manière équitable et résister à la recentralisation, à la force de gravitation des grands groupes, l’interopérabilité doit être formalisée et encadrée par des règles contraignantes, les mêmes pour tous les acteurs.

C’est pourquoi les GAFAM ne seront pas les bienvenus dans le fédivers tant que l’interopérabilité ne sera pas obligatoire et strictement encadrée.

Lire notre prise de position parue le 9 août : https://www.laquadrature.net/2023/08/09/larrivee-de-meta-sur-le-fedivers-est-elle-une-bonne-nouvelle/

La Quadrature dans les médias

Censure des réseaux sociaux

Mouchards

Meta et le fédivers

Agenda

  • 24 au 27 août : La Quadrature du Net sera au Hadra Trance Festival, aux côtés de Framasoft, Picasoft, Exarius et Linux07 – Plan d’eau de Vieure, Allier (France). Plus d’infos sur : https://hadratrancefestival.net/fr/.
  • 1er au 4 septembre : La Quadrature du Net sera à Freedom Not Fear à Bruxelles. Plus d’infos sur : https://freedomnotfear.org/2023.
  • 14 septembre : causerie mensuelle Technopolice Marseille à 19h, au Manifesten, 59 rue Adolphe Thiers à Marseille.

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