Droit d’auteur à Bruxelles : attention, un rapport peut en cacher un autre !

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Paris, le 26 février 2015 — Alors que le rapport de l’eurodéputée Julia Reda (Verts/ALE – DE) sur la réforme du droit d’auteur a fait cette semaine l’objet de deux jours de débats dans la commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen, un autre rapport était examiné aujourd’hui par la commission culture et éducation (CULT) portant sur le renforcement des droits de « propriété intellectuelle ». Ce texte contient de nombreux points inquiétants sur le volet répressif, rappelant des dispositions contestées de l’accord ACTA, et prône une approche extra-législative pour lutter contre la « contrefaçon à l’échelle commerciale ». Les citoyens doivent se tenir prêts à se mobiliser massivement, à la fois pour pour soutenir les évolutions positives proposées par le rapport Reda, et pour dénoncer les dangereuses propositions poussées par la Commission européenne et par certains États, dont la France.

Julia Reda
Julia Reda

Le rapport préparé par Pavel Svoboda (PPE – CZ) propose au Parlement européen d’adopter une résolution sur une communication de la Commission européenne, parue en juillet 2014 et intitulée « Vers un consensus renouvelé sur la protection des droits de propriété intellectuelle ». La Quadrature du Net avait déjà réagi au moment de sa publication en dénonçant une volonté de la Commission de réintroduire certains des aspects de l’accord ACTA par la petite porte. Le rapport Svoboda approuve ces orientations et salue notamment la volonté de la Commission d’agir contre la contrefaçon « à échelle commerciale », notion directement reprise de l’ACTA et susceptible – à cause de son caractère flou – de causer de graves dommages collatéraux aux libertés publiques.

Le texte soutient également l’approche consistant à passer par des ententes directes entre titulaires de droits et des intermédiaires comme les régies publicitaires pour lutter contre les sites pirates, aboutissant à un contournement du législateur et à une extra-judiciarisation de l’application du droit d’auteur. On reconnaît dans de telles propositions l’influence d’États comme la France, qui est justement en train de préparer dans la plus grande opacité un dispositif de lutte contre la contrefaçon commerciale, passant par l’élaboration d’une « liste noire » de sites destinée à influer sur les intermédiaires techniques pour les pousser à « s’auto-réguler ».

Bien que conforté indirectement par le récent rapport de Farida Shaheed1Farida Shaheed, la rapporteure des Nations Unies sur les droits culturels, a remis un rapport à l’organisation mondiale, dans lequel elle prône la mise en place d’un nouvel équilibre entre les droits d’auteur et les droits de l’homme, en passant par un renforcement des exceptions et limitations au droit d’auteur. Et tout comme le rapport Reda, elle montre brillamment que cette approche est conciliable avec le respect des créateurs et l’amélioration de leurs conditions d’existence, à condition de bien distinguer leurs droits des intérêts des industries culturelles. Pour en savoir plus, voir ce billet de Lionel Maurel., rapporteure des Nations Unies sur les droits culturels, le rapport positif et équilibré de Julia Reda fait l’objet, pendant ce temps, d’une campagne forcenée de dénigrement, menée par l’eurodéputé Jean-Marie Cavada (ALDE – FR), dont les interventions cette semaine devant la commission JURI ont manifesté un incroyable mépris pour la culture numérique et son potentiel d’élargissement des moyens de création au plus grand nombre. L’État français déploie lui aussi toute son influence pour tenter de bloquer cette réforme et réorienter ces travaux vers leur volet répressif.

La commission JURI votera le rapport Reda au cours des semaines qui viennent. Il s’agira d’un moment décisif et La Quadrature du Net invite les citoyens à se manifester dès maintenant auprès de leurs eurodéputés pour défendre une réforme positive du droit d’auteur élargissant les droits culturels au plus grand nombre. Cependant, le débat déjà très vif autour du rapport Reda ne devra pas éclipser les dangers du rapport Svoboda, qui révèlent l’ambiguïté de la position de la Commission européenne sur la réforme du droit d’auteur et la mise en place d’une nouvelle forme de politique répressive.

« Il est temps de tourner la page d’une conception du droit d’auteur comme machine à interdire et réprimer, qui aura nuit ces dernières années autant aux artistes qu’au public, au nom de la préservation d’intérêts privés. Le rapport Svoboda en est toujours l’expression, mais les citoyens européens peuvent agir pour peser sur le cours des choses, notamment en soutenant les propositions du rapport Reda », déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d’Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.

References

References
1 Farida Shaheed, la rapporteure des Nations Unies sur les droits culturels, a remis un rapport à l’organisation mondiale, dans lequel elle prône la mise en place d’un nouvel équilibre entre les droits d’auteur et les droits de l’homme, en passant par un renforcement des exceptions et limitations au droit d’auteur. Et tout comme le rapport Reda, elle montre brillamment que cette approche est conciliable avec le respect des créateurs et l’amélioration de leurs conditions d’existence, à condition de bien distinguer leurs droits des intérêts des industries culturelles. Pour en savoir plus, voir ce billet de Lionel Maurel.