« Riposte graduée » en urgence au Sénat… Les sénateurs sont prévenus.

Posted on


L’examen de la loi « Création et Internet » débutera au Sénat mercredi 29 octobre 2008.

L’urgence sur ce texte vient d’être déclarée, réduisant l’examen à un seul passage au Sénat puis à l’Assemblée. Le rapporteur Thiollière vient par ailleurs de publier son rapport sur le site du Sénat. Son contenu sans équivoque est tellement calqué sur les argumentaires des industries du divertissement et sur le rapport Olivennes, qu’il est à craindre que le texte soit voté en l’état, sans remous. La position du groupe socialiste au Sénat laisse également penser que toute forme d’opposition à ce texte anachronique sera quasiment absente de la chambre haute.

La Quadrature du Net a toutefois envoyé à tous les sénateurs une lettre et une note synthétique regroupant la plupart des arguments justifiant un rejet massif du texte (voir documents joints en bas de ce billet). Des arguments d’ordre économique, technique, juridique, et social y sont détaillés.

La Quadrature du Net invite les citoyens épris de liberté à contacter leurs sénateurs par téléphone et par courrier électronique, afin de tenter de les dissuader de voter cette loi absurde.

Les intérêts de quelques acteurs oligopolistiques, tentant de préserver envers et contre tout leurs modèles économiques éculés, ne sauraient être favorisés au détriment de l’intérêt général dans une démocratie digne de ce nom.

La lettre envoyée par La Quadrature du Net, par fax, à tous les sénateurs :

Paris, le 28 Octobre 2008

Madame, Monsieur le sénateur,

Vous allez vous prononcer, dès ce mercredi 29 octobre, sur le projet de loi « Création et Internet » défendu par la ministre de la Culture, Christine Albanel.

Ce projet se fonde sur le postulat erroné que la crise traversée par les industries culturelles serait majoritairement causée par les nouvelles pratiques d’échanges, hors-marché, entre internautes. Ce postulat n’a été démontré, au cours de ces quatre dernières années, dans aucune publication économique « sérieuse » (c’est-à-dire après validation par un comité de lecture).

Un très grand nombre d’utilisateurs, d’architectes et d’entrepreneurs d’Internet considèrent que les solutions préconisées par le gouvernement sont en total désaccord avec notre époque, les usages, et l’état de la technique, les contre-mesures techniques existant déjà.

La « riposte graduée » défendue par Christine Albanel, très largement soutenue par les puissants lobbies de ces industries qui n’ont pas su s’adapter à Internet, favorise une approche rétrograde et répressive. Elle sera inefficace tant techniquement qu’économiquement, et selon nous fatalement vouée à l’échec.

Ce dispositif sera coûteux pour le contribuable mais sans effet. Les modèles anachroniques défendus par cette loi ne permettront pas de rémunérer les créateurs à leur juste valeur dans une économie numérique où le public est devenu distributeur. Aucun soin palliatif ne maintiendra des marchés fondés sur le contrôle de la distribution et la vente de copies.

De nombreuses sources de rémunérations supplémentaires peuvent être ajoutées pour les artistes à partir de la « nouvelle économie » ainsi engendrée. Nous soutenons à ce titre les propositions concrètes formulées par Philippe Aigrain dans son ouvrage « Internet et Création », sorti ce mardi 28 octobre, que nous tenons à votre disposition.

Combattre Internet en déconnectant ses utilisateurs n’est pas selon nous la façon de pleinement embrasser ce formidable potentiel. 88% des membres du Parlement Européen ont d’ailleurs rappelé leur opposition à ce principe de restrictions administratives des droits et libertés des internautes par le vote de l’amendement 138 au « Paquet Telecom ». Cette sanction constitue une punition collective, car privant des foyers entiers d’une ressource considérée par le gouvernement lui-même comme essentielle de nos jours.

Nous nous permettons donc à ce titre de vous transmettre cette note synthétique compilant des arguments et des références contre cette « riposte graduée ». Nous espérons sincèrement qu’ils vous permettront d’être mieux informés sur ces enjeux, afin que votre vote puisse réellement représenter l’intérêt général, et servir de socle à la diffusion de la culture et à la rémunération des créateurs.

Nous vous invitons donc à rejeter ce texte aussi archaïque que son prédécesseur. S’il est adopté, il rejoindra la loi DADVSI dans l’empilement des textes inapplicables qui minent le respect du droit en ignorant les comportements et les valeurs positives de notre société.