[l’Express] Loi Hadopi: « Une mauvaise réponse à un faux problème »

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Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net, nous explique en quoi le projet de loi « Création et Internet », examiné à l’Assemblée à partir de mardi, est déjà obsolète.

Pourquoi êtes-vous opposés au projet de loi « Création et Internet »?

Le principe de la loi Hadopi se base sur une transmission de « preuves » immatérielles relevées à partir des adresses IP des internautes par des acteurs privés sur lesquels il n’y a aucun contrôle. Ce n’est pas une technique fiable. Ces relevés d’adresses IP peuvent être altérés et ainsi changer « l’identité » de l’ordinateur. Vous pouvez être accusé de téléchargement illégal à la place d’un autre. De plus, le réseau est surveillé par des entreprises privées sur lesquelles il n’existe aucun moyen de contrôle. Pour prouver ces défaillances, des internautes (comme The Pirate Bay) prévoient d’injecter de fausses adresses IP françaises dans le système de constation d’infractions.

Vous jugez l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet) inefficace. En quoi?

L’Hadopi est une usine à gaz. En cas de constatation d’infraction, elle envoie un mail, puis une lettre recommandée et enfin émet une décision d’interruption de connexion à Internet. Dans ce processus, l’internaute peut seulement formuler une « observation ». La procédure ne peut pas être arrêtée en cours. Des innocents seront inévitablement condamnés. De plus, il existe des dizaines de techniques pour contourner la loi: utiliser des protocoles chiffrés, ouvrir un serveur à l’étranger pour changer d’adresse IP, et des services commerciaux existent déjà pour coutourner l’Hadopi. « Création et Internet » est une mauvaise réponse à un faux problème.

L’argument numéro un avancé par les rapporteurs du projet de loi est la protection de la création culturelle, qu’en pensez-vous?

Le texte de loi avance deux postulats qui ne tiennent pas la route. Le premier stipule que plus on partage des oeuvres entre particuliers, plus le marché de la culture (musique, cinéma…) se porte mal. Plusieurs études gouvernementales montrent l’inverse: plus les gens échangent, plus ils sont tentés au final de payer pour la culture (produits et services à valeur ajoutée, spectacle vivant…) Malgré le téléchargement illégal, le cinéma a battu des records de fréquentation en 2008. Quant à l’industrie du disque, la baisse de ses revenus n’est due qu’à ses propres erreurs. Le second postulat suppose qu’avec la « crainte du gendarme » et la dissuasion Hadopi, les gens achèterons plus de CD, de DVD et de fichiers. Je pense que les mesures de sanction inciteront, au contraire, les gens à acheter des logiciels et des services pour contourner l’Hadopi au lieu de financer la création. La loi risque d’avoir un effet pervers.

Quelle est l’alternative à cette loi?

Le projet de loi doit être rejeté en bloc à l’Assemblée. Il est obsolète avant même d’avoir été voté. Le gouvernement et les députés qui voteront ce texte iront droit dans le mur. La Quadrature du Net recommande un financement de la création par mutualisation (prélèvement sur les abonnements Internet à la charge des FAI et de l’abonné décrit dans le livre « Internet et Création » de Philippe Aigrain). J’espère que le débat à l’Assemblée servira à mettre en avant les failles du dispositif.

http://www.lexpress.fr/actualite/high-tech/loi-hadopi-une-mauvaise-reponse-a-un-faux-probleme_745573.html